A présent Audrey était loin, Lucien désirait ardemment la revoir avec cette impossibilité qui rend le désir encore bien davantage frustrant et exaltant, voile la face pour ne plus laisser devant les yeux que ce visage absent qui revient sans cesse aux heures de solitude. L’obnubilation de Lucien pour Audrey, et il le savait, se nourrissait tout à la fois de cette absence, de cette distance, et de cette si puissante impossibilité existant entre eux de pouvoir se revoir. Il avait dit nous ne pourrons nous revoir. Elle l’avait observé elle aussi. Ou plutôt l’avait-elle accepté, car pour sa part elle ne jugeait pas l’obstacle aussi grand que Lucien se l’imaginait. En même temps il savait avoir créé de toute pièce un océan entre eux, ainsi se représentait-il les choses en lui-même, car une crainte au fond de lui l’avait conduit à faire ce choix qu’il ne remettait pas en cause depuis.. Que craignait-il au juste d’Audrey ? D’elle, il ne savait s’il craignait véritablement quelque chose. Objectivement il ne trouvait rien en elle qui puisse lui inspirer de la sorte cette retenue. Toutefois il écoutait son instinct. Son instinct avait voulu voir en cette relation entre eux un danger, Lucien faisait confiance à cette voix profonde qu’il n’avait pas, jugeait-il, su convenablement écouter dans un passé proche. Ainsi continua-t-il durant plusieurs semaines à voir Leslie qu’il ne désirait plus, et ne vit-il plus Audrey qu’il désirait pourtant. Au moins, se disait Lucien, Leslie m’apparaît-elle quant à elle sans danger.
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