Là où Paul-Henri va avec des « amis » en boîte de nuit.
La ville a ses codes. La ville ses propres valeurs. La ville se suffit à elle même. Enfin du moins est-ce l’impression de Paul-Henri alors qu’il ajoute un premier café aux nombreux verres de whisky qu’il a déjà ingurgité avec ses « amis ». Car les « amis » de Paul-Henri on décidé ce soir d’aller en boîte. Pas réellement ce soir en fait si on s’autorise à réfléchir. A deux heures du matin, ce n’est pas encore l’aurore, mais ce n’est plus vraiment le soir. Tout au plus est-ce la nuit.
La ville où Paul-Henri vit cette aventure est comme tant d’autres villes. Elle compte dans ses rangs pas mal d’alcooliques. Affalés sur le sofa, les « amis » de Paul-Henri appartiennent à la catégorie des alcooliques qui s’ignorent. Ils boivent beaucoup, souvent, se connaissent plutôt assez bien, mais n’ont encore jamais réalisé leur adiction bien qu’ils se proclament pour un grand nombre d’entre eux sans dieu ni maître. La ville, à côté d’eux, dans les mêmes immeubles, compte aussi des alcooliques qui se sont admis tel quel. Tout est question de conscience, cette première séparation en deux groupe se trouve là. Enfin, il existe une seconde division, celle entre alcooliques du jours, et alcooliques de la nuit. Ceux du jour travaillent, boivent parfois au travail, et rentre chez eux pour boire, alcooliques conscient de leur état ou non. Les alcooliques de la nuit, boivent parfois aussi le jour, mais ils se moquent de ceux qui comme eux boivent le jour mais se couchent tout de même à l’heure des poules. Les « amis » de Paul-Henri ce moquent de ces « beaufs » là, des ces vieux dans leur tête, ces pauvres bouses qui n’ont pas assez de pouvoir d’achat pour s’offrir l’illusion d’appartenir à la jet-set de cette ville. Paul-Henri en conclue qu’en ville il y a au moins quatre grands genre de groupes d’alcooliques. Au moins.
Ce soir, la ville va danser dans la tête de Paul-Henri, il en a décidé ainsi, il suivra ses « amis », il fera son Tintin, il va déchirer ce monde endormi de noceurs, il va sévir encore une fois, il va empêcher ces bourgeois de rester éveillés tels qu’ils l’entendaient. Paul-Henri fera son philosophe, son psychologue, son sociologue, son ethnologues de service, et comme il a envi d’être comme tout le monde, il ne fera pas comme tout le monde, il fera tout cela jusqu’au bout, sans jamais être cool.
La boîte est chaude. La musique est forte, l’ambiance est torride, normal, une boîte de nuit c’est fait pour ça. Tout autour de lui les boîtes-girls et les boîte-boys se déhanche, ils sont comme dans un loft, comme pour un casting, comme pour une pub de shampooing Fructis. C’est ainsi tous les vendredi soir et tous les samedi soir. Ils sont beaux. Ils sont vainqueurs. Ils triomphent. Sur quoi ? se demande Paul-Henri.
Un black retire sa chemise, il montre son torse plein de sueur à la nana devant lui. Un white, juste à côté, qui courtisait la même boîte-girl fait de même. Paul-Henri a le sentiment d’être au zoo. Enfin un beurre vient faire comme les deux autres. Paul-Henri se demande si c’est un pub Benetton ou un truc pour démontrer qu’aucune « race » n’est supérieure à une autre en stupidité. « Qui est le fou ? Celui qui l’est ou celui qui le suit ? » (suis ?). Mais la boîte girl se fout complètement de ces considérations, elle attrape une fille au passage sur la piste de danse, lui caresse les nichons et lui roule un patin. Bientôt une troisième boîte-girl vient faire son show à son tour. A côté des trois autres singes, elle se déhanche en douceur. Paul-Henri en triquerait presque. D’ailleurs s’il devait triquer se dit-il, où serait le problème ? N’est-ce pas fait pour cela ? N’est-ce pas ce qui fait mouiller ces filles ?
« Etre choqué par ce qui est choquant est out , se dit-il. Les emmerdeurs peuvent emmerder le monde en tout impunité aujourd’hui, imposer leur crasse, et même traîter de bien pensant ceux qui au lieu de vouloir leur filer de grand coup de queue dans le cul rêve de leur foutre des baignes… Finalement, même leur pisser dessus est moins out que de leur signifier combien ils peuvent paraître stupide… La superficialité aurait-elle donc gagné ? Pourquoi suis-je en train de songer à la Peau de chagrin de Balzac ? ? ? ».
Sur la piste de danse la troisème fille a fait comme les trois autres mecs. Elle a retiré son haut, viré son soutien-gorge, elle danse en faisant la fière avec ses mamelles devant elle. Elle s’est approché des deux autres nanas. Et elles lui lèchent les seins. Comme ça, avec de petits airs (in) de vierges effarouchées, mais aussi avec des yeux et une bouche genre « j’aime ça hum ! ! ! » (très in aussi).
_ Un verre d’eau ! demande Paul-Henri au barman.
_ C’est deux euros…
Paul-Henri écarquille ses yeux. « Et si je prends une bière avec, c’est gratuit ? ».
_ Non.
_ Je suis celui qui conduit et je n’ai pas d’argent, dit Paul-Henri. Hors j’ai soif. Vous n’avez pas d’espace fumeur, donc je suis enfumé. En outre je me sens très mal, je risque de tomber dans les pommes et je peux le faire rien que pour vous faire chier… Non assistance à personne en danger ça va chercher dans les combiens ? Davantage que deux euros je crois…
_ Ok, je reviens… réponds l’autre connard qui commence enfin à s’affoler.
_ Oui il faut mieux.
Paul-Henri boit un verre d’eau. Puis il en exige un second. Et l’obtient. Plier à ses désirs les nouveaux petits maîtres n’est finalement pas si difficile que cela. Utiliser à son compte les codes de nuit de la ville n’est pas très dur non plus. Participer, même de loin, à ce spectacle, débecte Paul-Henri. Dégoûté, Paul-Henri balance son troisième verre d’eau sur les six « youpis ! » en chaleurs, puis il leur jette des cacahuètes. Personne dans la boîte ne réussit à l’arrêter lorsqu’il y déclenche le système incendie qui transforme la piste en pataugeoire, plonge la pièce dans le noir et met enfin fin aux agissements criminels du didjet. Rien ni personne ne pourra lui mettre la main dessus, Paul-Henri court trop vite pour tout le monde. Mais où court-il ? Paul-Henri s’en va vers de nouvelles aventures et il a bien raison.
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