Elle avait du se rendre sur Paris pour son travail. Dans la nuit avant de partir mon téléphone avait sonné. Elle voulait me voir dans ses bagages. Je jouais encore avec elle à celui qui ne lui accordait pas trop d’importance. A celui qui en a vu passer des promesses. Et ne les écoute plus trop. Malgré ma maigre expérience, mais déjà toujours proche de moi telle une trousse de survie, je savais que ça n’était pas en prononçant des paroles d’attachement à une personne qu’on la gardait, ni même en lui montrant son trouble. Alors je le déplorais certes. D’ailleurs je ne savais jamais trop sur quel pied danser. Me conformer à des principes avait au moins l’avantage de me permettre de voir un peu plus loin que sans lunettes. Même si je rêvais d’immenses étendues de liberté, même si je rêvais de pouvoir m’exprimer sans contraintes, sans pesanteur, dire ce que j’avais sur le cœur tout simplement. Je vivais avec cette crainte d’être rejeté comme un lierre trop envahissant.
_ J’aimerai que tu viennes avec moi sur Paris, avait-elle prononcé. Je suis désolée, tu dois me trouver un peu stupide, mais je ne veux pas y aller sans toi. Je n’ai pas envi de te laisser ici…
_ Gaëlle…
_ Je sais que je devrais ne pas te dire tout cela… Mais j’aimerai que tu viennes. Même si je sais que tu as d’autres choses à faire. Que tu as tes cours… Mais je voulais te dire avant de partir pour ces quelques jours que j’avais cette envie là sur mon cœur…
J’aurai aimé la rejoindre sans attendre. Mais j’étais encore ivre de la soirée que j’avais passé avant de m’endormir. Le meilleur me semblait de finir cette nuit. Et de me lever à l’aube le lendemain matin, pour la rejoindre, et ne plus la quitter. Je lui ai dit, que je voulais la serrer dans mes bras, que je voulais sentir son parfum, ce parfum troublant, mais aussi entendre sa voix, cette voix qui même à l’autre bout du combiné me faisait vibrer, me réchauffait l’oreille. « Je suis bien avec toi depuis cette autre nuit, lui ai-je dit, je n’ai pas envi de te laisser partir comme cela. Je viens avec toi ». Elle m’a répondu que je n’étais pas obligé, qu’elle s’en voulait de m’avoir dit des choses comme cela, qu’elle n’était pas raisonnable, qu’elle ne l’avait jamais été.
_ Je ne veux pas être raisonnable, ai-je murmuré.
_ Je te le confie, je ne le veux pas non plus…
Une demi heure avant l’heure qu’elle m’avait indiqué, je me suis engouffré, souriant, dans la première bouche de métro que je croisais dans la rue, j’avais mes mains dans les poches pour ne pas perdre mon ticket, mes mains attendaient, impatientes, de retrouver sa peau, caresser ses joues et passer dans sa longue chevelure, sur un carré de papier j’avais noté mon itinéraire, je n’avais aucun changement, j’espérais ne pas me perdre, la retrouver au bout de ces dix stations, au bout des marches. Je ne l’ai pas vue tout de suite. Mais il y avait du monde. « Voilà, me suis-je dit, c’est le Trocadéro, voilà là c’est la Tour Eiffel ». Mon regard parcourait la foule. D’une certaine manière j’étais étonné qu’à ce rendez-vous il n’y ai pas qu’elle et moi. J’avais encore du mal à comprendre que j’étais à Paris. J’y étais pourtant déjà venu. Mais avec elle tout me semblait différent. J’avançais comme quelqu’un qui aurait perdu ses cartes.
Soudainement il y eu un murmure dans la foule, les touristes regardaient leur montre en souriant au cadran, à moins que ce ne soit aux aiguilles. D’un coup le murmure se transforma en explosion de joie, mon cœur pris d’un bonheur incontrôlable se mit à battre la chamade. En haut des marches elle apparu parmi la foule, alors qu’au dessus de la ville, face à nous, tendue entre terre et ciel, la Tour se mettait à scintiller comme une gigantesque guirlande de Noël offerte à la ville par des géants ou des fées. Dans sa robe elle était bien plus que désirable. Elle était tout simplement parfaite. Attendue. Nous nous sommes pris dans les bras, et comme les autres amoureux aveugles et heureux qui étaient en ronde autour de cette Tour, nous nous sommes embrassés en riant, nous jurant presque par nos gestes de ne jamais nous séparer.
Elle me fit lui courir après. La retenir. Nous rigolions, je le lui barrais le passage, saisissais sa main, l’embrassait, la relâchait, caressait son dos, la rattrapais un peu plus loin. Sentait son odeur, sa main sur la mienne, son bras se tendait vers le mien, elle souriait, tournait ses talons, se faisait rattraper quelques marches plus bas. Je le suivais jusqu’au bas des escaliers, puis pour en finir la collait contre un parapet, mes deux bras autour de sa taille. Les siens s’emmêlant autour de mon cou pour mieux partager un long baiser, contre son ventre, contre ses jambes, contre elle. Avec elle. « Vous ne m’échapperez plus, glissais-je en me frayant parmi ses cheveux un passage vers le creux de son oreille – M’échapper ? Mince, et moi qui en avait l’intention… Embrassez moi encore alors ! – N’est-ce pas une nouvelle ruse de votre part Mademoiselle? – Hum… Vous verrez bien… Qui sait Monsieur de quoi les femmes sont capables pour se sentir désirées… ? ». Une lueur charmante brillait dans ses yeux. Elle prit ma main et m’emmena m’allonger avec elle sur les pelouses.
Les yeux dans les yeux, la main dans la main, non loin, nous allâmes, peut-être tel des amoureux, nous allonger sur l’herbe, nous abreuver de paroles, de silences, de rires et de caresses. Les heures, les minutes passèrent tel des bonbons sucrés dont nous n’avions pas assez. Toujours aussi sérés, le dernier métro seul réussi à nous faire quitter cet endroit. Il nous accueilli les portes grandes ouvertes dans le ventre chaud et ronronnant de la ville, comme il ne le fait que la nuit, nous berçant dans ses wagons et sur ses banquettes en moleskine.
à 18:06