Le quotidien des environs faisait part d’une jeune fille retrouvée morte dans un des étangs environnant la ville. La forêt m’est apparue de plus en plus dangereuse. Les enquêteurs ne savaient pas encore dans quelles conditions elle avait été assassiné. J’ai refermé le journal sans dire un mot. Angélique m’a fait un sourire crispé de l’autre bout du comptoir. Elle discutait avec des clients. J’aime bien la regarder travailler. Nous avons tous les deux un peu un boulot pas mal décrié, il est dans l’air du temps de donner davantage de considération à d’autre boulot plus remuants. On a parfois l’impression d’être pris pour des planqués. L’époque est étrange. Voir sinistre. Elle l’est encore malheureusement. J’ai essayé de ne pas voir, de ne rien me visualiser, mais je ne pouvais m’empêcher de voir un joli visage gonflé par les eaux. Un corps saccagé. Je nous revoyais quelques jours plus tôt Angélique et moi, nous promenant enlacés sur les rives de l’étang. Il s’était peut-être garé comme nous sur le parking, il lui avait peut-être fait cracher ses derniers soupirs aux même endroit que celui où nous avions fait l’amour dans la voiture. Qui savait ce qu’il lui avait fait, ce qu’elle avait enduré ? Là, sur le même parking…
_ Ca tue non tu trouves pas ? m’a-t-elle fait en désignant du menton les nouvelles qui étaient posées devant ma main.
_ Tu trouves toujours le mot juste, dis-je. Là plus que d’habitude.
Elle a posé ses coudes sur le comptoir pour prendre appui, elle a tendu ses lèvres. Je l’ai embrassé en me faisant la remarque qu’elle avait les paupières closes et qu’elle exprimait davantage la gourmandise. Il me semble de plus en plus souvent en ce moment être à la traîne. J’ai l’impression parfois de ne pas savoir. Ne pas savoir avoir le mot qu’il faut, la petite intention qui compte, qui aide l’autre, qui le touche. J’ai le sentiment certaines journée d’être à côté de la plaque de A à Z. De tout rater. Angélique est la première personne avec qui je peux en parler. « Tu es trop exigeant avec toi-même » avait-elle dit comme pour me consoler, mais aussi me faire bien comprendre qu’à elle cela lui allait bien comme cela, qu’elle ne m’en demandait pas plus. Je suis Exigence.
_ Je ne veux pas t’ennuyer de nouveau avec cela, dis-je. Mais j’ai besoin de savoir…
Ma chérie a un cœur énorme :
_ Tu veux toujours atteindre la perfection. Tu ne veux pas de la médiocrité… Moi j’ai tendance à m’en contenter trop souvent. J’aime ça chez toi… tu aspires à de grandes choses. Ne change rien…
_ Jusqu’au jour ou tu t’en lasseras…
_ Je n’ai plus dix-huit ans… Tu dis ça m’ais tu sais très bien que non.
Elle a raison. Je les sais. Cela n’est pas le vrai danger. On forme une belle équipe. Une bonne équipe. J’ai connu des histoires très loin de cela. Souvent j’ai douté que je trouverais un jour ce que je connais auprès d’elle. J’en étais au point de renoncer, avec ce que cela implique.
Nous sortons dans le vent froid. Il reste quelques brins de soleil en cette fin d’après midi. Nous allons faire un tour dans le parc. Nous poser sur un banc. On regarde ces cons de canards avec leur pieds palmés, ils vont se foutre à l’eau. Je bande.