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 Ecrits de la vie...   Fiction   Les aventures de Paul-Henri   Nouvelles   Z 

mise en page par Génie

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Baïkonour 600

La dernière fois que m’était venu l’idée d’aller courir, j’avais réussi à me tordre la cheville. Sans doute puis-je attribuer cela à mes foulée très rapides, dignes d’un athlète de haut niveau et par conséquent auquel il serait déconseillé de se livrer à ce genre d’exercice de gesticulation en pleine ville à l’heure où la nuit est tombée sur la monde, recouvre les trottoirs en dissimilant leurs rebords en équerre. A deux reprises déjà ils m’ont contraint à l’immobilité. Dur pour un sportif de mon envergure. Pour reprendre un peu d’activité, sans courir de trop grand dangers qui cette fois seraient fatale à ma carrière, j’ai décidé de retourner au stade, cet écrin où des hommes comme moi peuvent trouver l’épanouissement physique sans courir de risque démesurés dans un cadre qui leur est totalement dévolu. Sans trottoirs dangereux.

 

Il m’a semblé que vingt minutes était déjà une durée convenable pour reprendre un peu d’activité physique. J’ai garé la voiture près d’un saule sur le parking quasi désertique. J’ai vérifié le laçage de mes Adidas, un modèle qui court vite en devant théoriquement assurer une foulée confortable à la cheville. En mettant les écouteurs de mon walkman sur les oreilles, j’ai surveillé où je mettais mes pieds en gagnant l’enceinte. L’endroit menant au stade est très mal éclairé. J’ai traversé le bois à pas de loup, en prenant garde à ne pas mettre un pied hors du sentier. En approchant, les arbres se mirent à sortir de la pénombre. Enfin apparu le stade lumineux.

 

Toujours, j’ai ressenti cette même impression de liberté en y arrivant l’hiver à la nuit tombée. L’endroit ressemble à une sorte de base de lancement cachée au milieu de la forêt qui l’entoure comme un rempart de coton vert bouteille. Deux sortes de pyramides mayas semblent reposer sous deux collines semées de pelouses vertes, seules des marches grises typique de cette architecture n’étant pas recouvertes, et permettant de monter à leur sommet et de dominer l’endroit. La première pyramide est la plus petite, si bien qu’en arrivant de la forêt, on voit clairement se découper au loin, derrière elle, la seconde butte et le sommet de ses marches. En grimpant au sommet du premier relief, on découvre à son pied, entre elle et la seconde pyramide, un terrain de foot brillant comme un lit d’herbe grasse. Il semble toujours en train d’attendre des joueurs, comme la Belle au Bois Dormant attend son prince, les bancs de touche, silencieux, semblent eux aussi se reposer, mais en grattant on y trouverait sans doute des fossiles de cris si on devait s’y abriter. Une personne qui observerait attentivement la deuxième butte y remarquerait peut-être après le premier coup d’œil deux petites portes peintes de la couleurs des arbres. Il parait que derrière leurs verrous elles dissimulent des vestiaires.

 

Une piste noire, de six cent mètre, entoure le terrain et les deux buttes. Elle se compose d’une partie montante sur cent cinquante mètres, et d’une autre portion qui fort logiquement descend sur la même distance. Je m’élance en bas de la côte, doucement, j’ai lu Jean de La Fontaine, et je sais qu’il faut également ménager sa monture. Une course, j’ai une idée assez précise de ce que c’est, je suis de ceux qui savent gérer leur effort. Même si ce temps s’est éloigné, j’ai fait pas mal de sport à une époque, je savais alors mener une vie plus équilibrée, gagner des trucs de ce genre m’intéressait. Avant de considérer que je m’étais prouvé assez de choses, que j’avais réussi ce que j’avais entrepris, et donc de changer de point d’objectif à l’horizon, je me suis vu touche-à-tout gagnant là à la piscine, ici sur le ciment d’un terrain de tennis, ailleurs dans un gymnase plein de meubles à roulette servant à jouer au tennis de table. C’est pour cela que j’en suis là, dans le froid. J’ai envi de me souvenir que mes jambes peuvent m’emmener plus loin, plus vite, et pas seulement se glisser sous un bureau. En fait je tente ce que je peux pour retrouver un certain équilibre. Je reprends où j’en étais resté, avant que je m’arrête vraiment, que je devienne un challenger des soirées beuveries. Il y a un type qui me ressemble, il y a six ou sept ans de cela il a arrêté de faire du sport, il a préféré fumer, faire du théâtre et surtout écrire. Il a fait tout cela sans réfléchir. Il se demandais pourquoi il courait, et surtout après quoi. Il a fait des choix de vie. Maintenant il le sait, il sait qu’il veut toujours écrire, mais il ne sait plus comment il veut vivre. Je ne veux plus de cette vie sans sens où on côtoie des gens qui disent n’importe quoi, un verre dans une main, une clope dans l’autre, et attendant sans écouter personne d’autre qu’eux-mêmes qu’un des pétards qui tourne leur arrive. L’ennui m’a rattrapé, trop de répétition, trop de phrases mille fois entendus, trop de tout, une lassitude profonde pour les moralistes de 4h00 du mat’, ivres et politiciens à la bière tendance les Inrocks qui croient avoir tout compris et sont toujours au stade de fétus, portant le bouc mais encore dans le ventre de leur mère.

 

Alors je cours. Je défie le temps, ce temps qui semble s’arrêter lorsque les battements du cœur s’accélèrent, mes idées se brouillent, elles ne sont plus tout à fait dans l’ordre, je ne sais sans doute pas vers quoi je veux aller, mais je n’ignore pas ce que je fuis à perdre haleine dans cette montée. Répit dans la descente. Je pousse plus fort sur mes pieds, je les déroule sur le gravier, je courbe bien le dessous de mes chaussures pour bien glisser, j’ajuste ma respiration et mon débit de fumée dans le froid hivernal. Des volutes brèves, des nuages, sortent de ma bouche et de mon nez. Inspiration sur deux temps. Expiration sur trois. Je réussis à me caler. Mon corps devient une machine à foulée relié à une chaudière. J’envoie la musique dans mes écouteurs. Daran et les chaises. Un jour j’aurai aussi trente-cinq ans certainement, j’ignore si je les fêterai à Moscou, mais j’aimerai pouvoir me dire que j’ai fait quelque chose de mes dix dernières années. Je n’accepterai pas de stagner. La piste se met à défiler plus vite. Je change de décors. De partie de la forêt. J’entre dans la partie où la piste est bordée de pins. Je baigne dans la lumière orange des projecteurs qui de leur sommet haut perché éclairent mon ruban, et le rectangle vert, à plus de trente mètre au dessus de mon crâne. Tout se referme un instant. J’entre dans la lueur bleutée du tunnel qui passe sous la seconde butte verte. Durant quelques dizaines de mètres les parois glissent sur les côtés de mes yeux, durant quelques dizaines de mètres de cette partie courbe de la piste j’ai cette impression d’être un bolide sur le circuit du Grand Prix de Monaco, mon pas et ma respiration résonnent. Bourdonnent. Je croise sur la sortie, en regagnant le plein air, une autre personne qui court dans l’autre sens. Sourires de ceux qui vont chercher au fond d’eux même.

 

L’étrange base orange réapparaît au milieu de sa forêt. Je boucle mon troisième tour. Ceux où le plus dur est de forcer la machine à se mettre en  marche. A accepter ce qui lui est demandé. Elle crie, elle grince. Enfin je ressens un mieux être. Un sentiment de bien être, encore faible, commence à m’envahir. J’oublie tout. Je pousse vers le rouge, tout en évitant d’y entrer. Je reste à la limite. En même temps elle s’éloigne. Je la repousse à chaque pas. Je franchis ce cap où la douleur se transforme en bien être total, où courir devient un automatisme, où le corps atteint sa vitesse de croisière et peut ainsi tourner durant des heures sans broncher. Je peux la repousser.

 

Je me sens bien. Rien à signaler de mauvais. J’augmente le son. Et j’accélère.

 

Immense sensation de laisser la Terre derrière moi.

 

 

 

 

Ecrit par Wandess, le Jeudi 5 Février 2004, 18:57 dans la rubrique "Ecrits de la vie...".


Commentaires :

  Nine
07-02-04
à 15:15

Un sujet un peu différent, un thème qui change, mais j'ai apprécié ce long texte très beau (malgré son titre étrange qu'on ne comprend qu'à la fin). A la fin j'ai eu cette envie folle d'aller courir, de sentir moi aussi la terre s'éloigner, mes soucis, mes problèmes. Oublier tout le reste et juste courir! Laisser tout derrière moi. Amusant, après coup ça me fait penser à la pub dans le film "ce que veulent les femmes".

Merci pour ce journal rafraichissant, tes petits bouts de vie si agréable à lire.

Nine.

  Wandess
08-02-04
à 10:58

Re:

Merci d'avoir lu jusqu'à la fin!

  Jild
07-02-04
à 16:00

Faudrait que j'aille courir moi aussi, je me souviens que je ne fais pas du tout de sport! Peut-être que c'est ça qui me met le moral dans les chaussettes. Mais je manque totalement de courage pour aller courir comme ça tout seul. Je crois que j'aibeaucoup plus de mal que toi à admettre la solitude.

  Wandess
08-02-04
à 11:00

Re:

Cela dit c'est vrai que tout seul c'est drôlement plus dur de se motiver à aller faire du sport. C'est calir, faut que je me mette un coup de pied au c.. pour y aller.

Salut à toi!

 


  Coco
09-02-04
à 12:30

Re: Re:

Je l'ai lu, je me rappellais du titre.
J'ai décidé d'aller courir....comme quoi tu pourrais lance rune véritable campagne! Nous sommes nombreux à avoir ressenti ce bout de volonté à mettre nos baskets.

Je pars courir
A demain.
Co

  Wandess
10-02-04
à 02:40

Re: Re: Re:

Il serait bien qu'un de ces jours un de mes textes me file d'aussi bonnes idées. Bon, je vais me remotiver, et remettre ça une seconde fois!!! Allez je tente! Merci de me soutenir, si si c'est un exploit pour moi d'aller courir!

  Tom-Tom
15-04-04
à 17:49

Il court il court le Wandess

Le Wandess du bois joli....

  Alycia
15-04-04
à 18:01

Re:

Tu as encore progressé en concision dans les commentaire que tu laisses jeune Padawan !!!