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mise en page par Génie

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"Le rôle de sa vie"

Je sors du cinéma avec l'envie de la suivre. Mais quelque chose me bride. Comme des menottes aux poignets, une vague de chaleur qui me rend mal à l'aise et nerveux sous mon t-shirt. Réflexe clope désamorcé : je n'ai pas mon paquet sur moi. La panique se trouve souvent des masques pour ne pas se montrer, sinon je me laisserai sans doute un peu moins berner. Oh bien sûr elle ne me berne que l'espace d'une petite seconde. Peut-être deux. Mais assez pour que je sois incapable de lui rendre le sourire qu'elle m'adresse. Une fille simple. Venue aussi seule que moi voir le film. Une fille jolie. Sans doute timide. Mais elle m'a adressé ce sourire charmant. Auquel j'ai répondu par un regard creux. Des yeux vides. Un visage qui certainement dissimulait bien mal mon angoisse. Un air d'ours. De type antipathique qui ne me ressemble pas, ou qui du moi ne me ressemblait pas avant, mais que désormais je me vois trop souvent afficher malgré moi. Probablement désagréable, à la limite d'une gifle en réponse à un signe plein de grâce. Une réaction automatique, dont je ne contrôle rien, un masque par dessus un masque, une couverture pour ne pas dire mon angoisse. Elle faisait mine de regarder les affiches dans la chaleur du soir. Après la séance. Une fille seule, comme moi, perdue dans cette ville, n'y connaissant elle aussi personne puis-je imaginer. Repartie seule dans sa Ford. Rentrer seule chez elle comme moi. Dormir ou veiller devant un autre écran. En parlant peut-être à son chat. M'oubliant déjà, songeant au film pourquoi pas, le racontant si ça se trouve à à l'animal. Je suis un garçon qui a du mal avec le rôle de sa vie.

Bien sûr, et c'est confortable, je peux imaginer pour me réconforter que je n'ai rien râté. Une jeune fille stupide peut-être. Inintéressante même... Encore je puis demander bien d'autres alibis pour me justifier, me racheter comme les autres fois une image de moi qui ne m'effraie pas et ne m'oblige pas à changer. Je peux me dire "cela arrive". Me mentire, nier que cela arrive à chaque fois... Me donner raison une nouvelle fois. Inventer... Inventer qu'elle n'est pas seule en fait dans sa vie, que son petit copain l'attend devant un match de foot, qu'il n'aime pas Agnès Jaoui contrairement à elle, et que ceci explique cela. Très facilement je peux me trouver mille et une raison, me demander ce qu'elle croyait avec son sourire... Il m'est possible encore de l'accuser, la trainer à la bar : "Mais pour qui te prends-tu pour ainsi croire qu'un sourire suffit à m'attrapper? Pour qui te prends-tu!". Mais alors j'aurai été au cinéma tout à fait pour rien. Alors je n'aurai rien compris à ce que j'ai vu.

Pourtant je suis sûr que nous aurions eu des choses à nous dire. Qu'elle soit célibataire ou non... Peut-on comprendre que je m'en contrefous de la tirer comme je me fouts éperduement de l'instant de chasseur? Non, j'aurai juste aimé une personne avec qui aller voir ce genre de film. Une personne avec qui après la séance parler du film. De ce qui nous a touché, irrité, heurté, ou encore charmé... Des rendez-vous à 20h40 devant le cinéma pour ne plus être seul.

Le rôle de sa vie. Face à face entre Agnès Jaoui et Karine Viard, où règne durant tout le film ce vertige. Une impression même lorsque les deux actrices sont sur le même plan qu'elles jouent dans deux films différents. Rencontre réussi entre deux comédiennes qui me sont chères et que j'avais jusque là vu plutôt dans des registres différents. Cette union sur la même affiche nourrit la thématique du film. Deux femmes deviennent amis. L'une, Elisabeth Becker jouée par Agnès Jaoui, est célèbre. Elle est une actrice rayonnante, bouillante aussi parfois, sans langue de bois. Célèbre, mais mal dans sa peau. Jeune, sur les photos datant d'avant sa notoriété, elle était déjà au centre. Au milieu des autres filles. C'était elle qu'on voyait. Le film aurait pu se contenter d'opposer une femme célèbre, à une femme lambda et se contenter d'opposer notoriété et anonymat. Il va plus loin. Il parle de ceux qui vivent dans l'ombre en rêvant d'approcher la lumière. Non pour être lueur eux aussi, mais juste pour baigner dedans. Etre dans ce confort d'une vie ayant un sens, car une vie consacrée à apporter son énergie à ce que continue de briller cette lumière. Claire Rocher, jouée par Karine Viard, est un personnage mal dans sa peau elle aussi, généreuse à l'excès. Elle ne rêve pas de gloire. Elle a juste besoin de quelqu'un qui brille à côté d'elle. Pour que sa vie ai un sens. Car mieux vaut être celle à côté de la lumière, celle qu'on verra un peu, que celle seule ailleurs, qui ne connait que l'ombre. Elle sera déçue forcément.

Dans Hygiène de l'assassin Amélie Nothombe fait dire à son personnage, écrivain détestable, célèbre et obèse, qu'il y a deux sortes de lecteurs d'une oeuvre. D'un côté il distingue les individus qui quoi qu'on leur mette sous les yeux ne serront pas changé. Naturellement ils se tournent vers des films ou des livres qui ne les metteront pas en danger, mais pas forcément. De l'autre côté il repère les personnes pour qui une oeuvres sera une sorte d'aliment. Un aliment qui les transformera. Un aliment modifiant le métabolisme selon cette écrivain imaginé par Amélié Nothombe. Dans le même sens la psyché, la perception du monde, peut être modifiée par des aliments spirituels. J'ajouterai qu'il y a à côté de cela des oeuvres qui peuvent entraîner cette modification, et d'autres pas. Il y a des situations qui s'y prêtent aussi.

Le rôle de sa vie pour moi ne s'est pas arrêté avec le générique, on l'aura compris. Ce que j'ai vu s'est prolongé, alors que je descendais les marches de la salle de cinéma. Alors que incapable d'être celui que je veux être, j'ai réagi de cette façon brusque au sourire de cette fille. La question pour moi est : briller ou ne pas briller? Etre la lumière ou ne pas l'être. Comme il l'est dit dans le film, cela ne résulte pas d'un choix. On est ainsi. Je suis tel que je suis. Ombre ou lumière qu'importe. Introvertis ou extraverti je m'en fouts aussi. Mais je remarque qu'en moi les deux personnages sont réunis. En face à face constant. Mais c'est la face qui ne capte plus la lumière qui l'a emporté.

Je ne veux pas être comme Elisabeth Becker. Je me fiche d'être célèbre. Je veux être bien dans ma peau. Oui j'en ai marre de ces réactions que je ne contrôle pas. Parce que ça n'est pas moi. L'angoisse, la perte de confiance on fait cela de moi sans que je le veuille.

Avant... avant c'était différent. Non, je n'étais pas celui qu'on voyait au milieu de la photo. Non je n'étais pas la lumière au centre. Mais je n'étais pas non plus celui qui n'ose pas se mettre sur la photo, ou celui qui se laisse cacher par un autre. Qui ne dit rien. Fait semblant que ça n'est pas grave. Est incapabale de s'imposer, et rentre chez lui avec des aigreurs d'estomac. Parce qu'il sait qu'il n'est pas à sa place.

Avant c'était autrement parce que ma vie était autrement. Et que je n'ai rien trouvé d'autre depuis. Non je n'étais pas le premier rôle à la pièce de théâtre. Mais les applaudissements étaient aussi pour moi à la fin de la pièce. Les rires aussi qui m'accompagnaient lorsque je me déplaçait sur les planches, et encore lorsque je sortais telle ou telle réplique. Etre indispensable quelque part également.

Oui j'aimais cela. A la fac j'avais confiance aussi. Si préparer un exposé me saoulait souvent, j'avoue que le plaisir était cet instant où il fallait se retrouver devant trente personnes plus le profs et se montrer intéressant, souriant. Saisir l'auditoire. Il y avait un rituel. Couronné le plus souvent par la sanction note et des compliments. Enfin, décrocher un dîplome à la fin de l'année, les défis des partiels, dans le but de valider l'année, mais aussi d'avoir cette auto-satisfaction de réussir. Faire de mon mieux. Relever un défi et l'emporter.

Alors oui, j'étais plus à l'aise dans ma vie. J'avais des interrogations bien sûr, tout n'était pas rose non plus. Mais j'avais confiance en moi. Je savais faire face aux angoisses et monter sur scène, me mettre face à mes congénères à la fac, ou encore répondre au sourire d'une fille...

Je ne pense pas que de chercher des choses à mettre dans ma vie afin de relever de nouveaux défis soient une solution même si je l'ai pensé. Il me semble en fait que je dois simplement reprendre de l'exercice. M'imposer des défis, même minims, à relever, pour avoir la satisafaction d'y être allé... Et surtout ne plus craindre l'échec. Avant les applaudissement il y avait eu des jours et des jours de répétitions... Pareillement, je ne suis pas devenu efficace en exposé du jour au lendemain... Enfin, combien de rejets ai-je du encaisser par le passer avant d'être accépté comme j'ai pu l'être? Non je ne suis pas devenu mauvais ou inintéressant... Non je ne suis pas plus laid... J'ai juste oublié le prix que coute les choses. Le goût de l'effort. La nécessessité de construire chaque chose. A trop prendre en compte l'avis et la vie des autres, j'en ai oublié la mienne. Il est temps que je la sorte de son sommeil. Rien n'est jamais facile au début. Mais passé le premier pas tout devient plus simple. A moi à présent de me donner la peine de reprendre ma marche...

 

 

 
Ecrit par Wandess, le Jeudi 17 Juin 2004, 08:40 dans la rubrique "Ecrits de la vie...".