Elle avait quinze ans. Elle voyait ce bouffon presque tous les jours à la sortie du lycée. Il en branlait pas une rame. Il le disait lui-même. Il attendait le RMI à la fin de chaque mois, et tous les jours les filles à la sortie du lycée. Toujours une précise. Mais ça changeait avec les mois. Les saisons. Sa bagnole aussi changeait. Toujours le même tas de ferraille. Mais avec de nouvelles jantes. Il lui refaisait aussi de temps en temps de nouvelles gâteries. Un pare-choc au mastique. Un William Saurrin derrière pour pousser plus vite. Une fausse ouverture d’air sur le capot. Des trucs dégueux et sans nom. L’oeuvre d’un être dégeux et sans nom. Un con. Tout simplement. Un leveur de bimbos, qui mettait à font ses enceinte, pour faire partager à tous le monde ses goût innommables en matière musicale. Pas une voiture, une poubelle. Pas de la musique, du bruit. Pas un mec, un crétin. Le crétin par qui c’est la faute. Abonné au RMI, mais à aucune autre revue. Un parasite pensait-elle. Seulement elle a pas été la seule à le penser.
Un autre homme. Mal de vivre. Sa femme l’a quitté. Elle a emporté ses enfants. Il a tout perdu. Sa maison. Son jardin. L’amour et ses rêves d’une vie normal, rangée, avec un emploi. Chute libre. Impossible pour lui de refermer la parenthèse, il ne veut pas. Il perd son emploi. Touche le chômage. Il aurait aimé au moins ne pas perdre cela, ne pas perde sa dignité. Il voudrait s’en sortir, mais c’est dur. Chaque jour il s’en sort un peu. Heureusement qu’on l’aide un peu. Sans le RMI il ne s’en sortirait pas. Il serait à la rue. Il ne pourrait pas prendre un repas par jour. Il ai dégoûté, mais pas par ce monde qui l’aide. Parfois il se dit qu’heureusement qu’il vit en France, qu’il existe la solidarité. Il passe des entretiens d’embauche. De temps en temps il a un travail pour une courte durée. C’est un homme qui se reconstruit. Ce n’est pas facile. Malheureusement le jeune fille du lycée ne le voit pas. Mais on va lui sucrer le RMI. Pas que la société française ai voté pour cela. Si elle avait davantage vu son cas à lui elle aurait continué à le soutenir sans doute. Mais il y a le crétin par qui c’est la faute. Et proche de lui toute une meute de crétins par qui c’est la faute.
Lorsque la jeune fille du lycée à commencer à travailler, elle en a eu marre. Elle veut bien payer des impôts, être solidaire, elle trouve cela important. Mais marre de payer des impôts pour le crétin qui est toujours devant le lycée. Bien sûr ce n’est plus le même, il a changé, l’autre à présent passe ses journée au bar où il répète qu’il aime pas le travail. Elle travaille pour eux. Quand elle a voté, elle a voté contre ses convictions politiques. Tout simplement parce qu’elle en avait marre. L’homme qui a tout perdu, qui vit seul, qui veut s’en sortir va avoir de plus en plus de mal à vivre. Lui et d’autres. Tout cela à cause des crétins par qui c’est la faute.
La solidarité coule sous les crétins.
à 20:37