En revenant du bureau, il voit ce jeune couple à l'arrêt de bus. Sûrement sortent-ils du lycée, du moins ils en ont l’âge. Assis sur un muret, au sommet des remparts, ils sont collés l'un à l'autre. Derrière eux s'étend l'agglomération d'Angoulême, la verdure de la Charente. En voyant cela, il pense à l'amour, à la beauté des sentiments adolescents. Puis il pense au sexe, à cet âge où l'on découvre les plaisirs des relations physiques. La tête de la fille est posée sur l'épaule de son copain. On sent dans sa position et son absence de sourire la fatigue d'une journée qui se finit enfin. Le garçon se tient droit, il soutient son amoureuse, la main glissée entre ses genoux, il en lui caresse l'intérieur, légèrement le bas de la cuisse. Sûrement que si tant de personnes n'étaient pas présentent, il hésiterait à remonter sa main. Derrière eux le ciel est bleu foncé. La nuit tombe sur une journée d'automne ensoleillée.
Il les oublie. Pas leur image. Il rêve au volant de sa voiture… N'a-t-il pas gâché ses si belles années? Maintenant, il est un adulte, il n'a plus qu'à attendre la retraite, puis la mort. Il se demande à quel page se situe la charnière, est-ce 18 ans ou plutôt 20… Peut-être plus tard encore ?
Il regrette cet âge où une relation amoureuse éphémère pouvait exister. Ce tableau amoureux qu'il souhaiterait voir un jour immortalisé par un peintre, un photographe, où toutes personnes qui pourrait en faire ressortir le souffle touchant et troublant que signifie cette palpitation perdu qu'il voudrait retrouver en tenant la main d'un fille. Aujourd'hui, créer une relation amoureuse sur du court terme signifie pour lui coucher avec une fille. Les adultes ne savent pas prendre leur temps, les femmes ne savent pas prendre le plaisir du sexe de manière tendre et sentimentale, ou sinon, tout cela est lié à un sentiment amoureux certain et réciproque qui doit indéniablement être présent dans la relation.
Alors, parfois, il n'aime pas sa vie. Il n'aime pas sa vie quand il regarde les films dans lesquels les couples s'épanouissent. Déjà, il n'a pas de grande maison, et sa voiture est l'une des rares choses dont il est fier, avec sa veste et ses lunettes. Il rêve toujours qu'une fille puisse venir lui parler, qu'en quelques instants passés avec elle, une fille ait déjà comme pensée de l'embrasser. Mais malheureusement, cela ne se passe pas ainsi pour lui. Sa vie n’est pas un film.
Les filles qu’il rencontre ne finissent pas la tête sur son épaule, dans une représentation enviable et heureuse de couple, éclairé par un soleil couchant de fin d’automne. Les filles qu’il rencontre, il tente de les raccompagner au plus vite, pour avoir le temps de regarder avant de se coucher un dvd loué un peu plus tôt.
Pourtant, il sait - et il pense que ce n’est pas si compliqué ; une maison à un vingtaine de kilomètres de là, une femme, un ou deux enfants, la fenêtre ouverte sur la terrasses et le grand jardin fraîchement tondu. A l’intérieur, plusieurs portes, dont une avec « Papa-maman » écrit d’une main d’enfant dessus.
Quand il songe à tout ça, il ne voit plus ses parents, mais lui. Plus cela semble réel, plus il lui semble s’en éloigner. Toutes les belles femmes sont prises, les insatisfaites changent fréquemment de mains et il ne lui reste que les autres, les inintéressantes, les fatigantes, les frustrées (et frustrantes) de la société moderne matérialiste, et toutes celle auxquels ils ne pensent mais qui déjà le répugne. Alors, l’argent de la maison a finis dans une Mini, celle de l’école des enfants dans une collection de paires de lunettes et de vêtements. Quand il regarde dans la glace, il dit bonjour, ne se rend pas toujours compte qu’il s’agit de lui. Il ne reconnaît même plus ce qu’il voulait et voudrait être ou représenter.
Il se souvient de sa dernière petite amie. N’aurait-il pas dû rester avec? Il désirait pourtant une personne moins superficielle, plus douce et beaucoup moins impulsive. Le tout est de constater qu’il ne l’a pas trouvé.
Alors ce soir, il regarde ce film, rêve devant. Les belles couleurs et la musique lui échauffent l’âme. Il s’endort avec un peu de tristesse, mais persuadé d’un futur meilleur. Un futur meilleur.
à 19:28