Elle gare sa voiture en bas de mon immeuble. Je suis sur le balcon, je la regarde de haut pas conséquent. L’heure d’une première observation tout à fait pertinente donc : n’est-ce pas la première fois que je vois ainsi Lolita de haut ? C'est à dire juste la tête, la poitrine et les pieds. Le tout de haut. Deuxième observation : d’où me vient ce nouveau jeu consistant à compter les premières et les dernières fois ?
Désormais c’est devenu rituel, je ne m’en étonne plus, Lolita monte avec l’ascenseur, entre, pose une main sur mon épaule, dépose une bise sur ma joue (c’est un traitement de faveur, c’est une distinction si j’ai bien compris sa codification), glisse un petit commentaire sur mon état (« on dirait que ça va mieux ! » : ça sert à aider un ami ça), puis s’en va faire le tour de mon appartement. Elle regarde mes nouveaux meubles, pousse des cris genre « c’est super », « mais où tu as trouvé ça ? ». « J’ai trouvé ça dans un magasin Lolita… Un magasin qui vend des trucs ».
_ Je ne t’imaginais pas aussi ordonnée, finit-elle pas dire cette fois ci pour conclure sa visite des lieux.
Je me gratte les sourcils, peut-être par peur d’une poussée soudaine qui me ferait ressembler à Emmanuel Chain. A moins que je ne sache quoi répondre, ça devient de plus en plus courant, ça commence à devenir un problème, j’ai le sentiment que lorsque je fais des silences c’est encore là que j’use moins mon énergie.
_ C’est ça ou mourir, finis-je par dire.
_ Hein ?
_ Je disais : « C’est ranger ou mourir ».
_ Oui c’est vrai. D’ailleurs tu viens chez moi quand tu veux, si tu as besoin de te sentir revivre il y a trois tonnes de bordels qui ne demandent qu’à t’aider…
Elle se tait, j’ai pas fait gaffe, mes yeux on vrillé vers son décolleté, je me sens étrange. Et encore davantage lorsque je croise ses yeux. Il semblerait qu’elle est troublée, elle m’étonne, je n’ai pas eu l’occasion depuis fort longtemps de la voir ainsi. Elle sourit, je fais de même, avec le sentiment que ça n’a pas été anodin, nous nous sourions puis nous fixons nos pieds. Un ange passe.
L’ange m’emmène à Ikéa. Nous sillonnons cet endroit étrange comme tous ces couples venus acheter de quoi rendre plus confortable leur intérieur. Je pense à ma cuisine, à ma salle de bain, à Mélodie qui est au loin. A Lolita qui est là, m’accompagne. Sort une louche d’un bac, rigole et fait : « Tu trouves pas que c’est louche ?». Oui, c’est louche.
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à 21:36