« Eh j’ai tout mon lit à refaire ! ». Je regarde. Oui, elle a tout à le refaire. Elle est désolée. Pas autant que moi. Je regarde l’heure, je la regarde faire avec les draps, c’est pas gagné. Je relève les manches. Il y a encore le petit déjeuner. Il y a l’école, et ça rien à faire, impossible de négocier l’heure d’arriver avec le maître. Lui, autant pisser dans un violon, il comprend rien à rien. Un triple cas le garçon. Me voilà à me sentir étrange depuis quelques temps. Et pourtant ce n’est pas le printemps. On peut se dire que c’est la faute à Lili. Existerait-il sinon une horloge biologique également chez le mâle ? A moins que ce ne soit l’odeur des draps… Qui sait peut-être que ça agit directement sur les hormones ? Bref, jusque là j’avais toujours agi de façon pratique. Très pro même. Mais quand Lili me saute dans les bras, je sais pas pourquoi, c’est comme ça, c’est comme si je sentais vraiment mon cœur. Car je l’avais un peu oublié celui la. Comment une gamine comme Lili peut donc l’avoir remis en marche alors qu’aucune fille de mon âge n’y était plus parvenue depuis longtemps ?
On refait son lit. Elle râle. Lili est un ange. Mais elle peut aussi être un démon. D’ailleurs c’est le nom de son parfum. Un truc étonnant. Un goût de bonbon, entêtant, moi ça me rajeunit d’au moins quinze ans. Lili peut être une emmerdeuse. Une odeur de bonbon sur un petit démon. Une petite fille qui sourit beaucoup, fait du charme… Mais gare, sous l’enveloppe de douceur, de gentillesse, sommeille une boxeuse. Et la boxeuse se réveille sans même prévenir Lili. Après ça Lili Puce veut tout casser. Elle insulte la Terre entière et veut mourir. « Laisse moi ! Je veux mourir crie-t-elle ». « On fait comment une fois que tu es morte » je demande. « On fait rien quand on est mort » répond-elle. « Alors autant rester dis-je ». Elle pleure. Se met en boule. « Mais j’en ai marre qu’on se dispute tous les deux moi !!! ». Elle se calme : « En plus je sais bien que c’est toujours de ma faute quand on se dispute. Tout le monde se dispute avec moi et je sais bien que c’est de ma faute…Tout le monde sera bien plus content si j’étais morte ». Je hausse les épaules, dit qu’elle se fiche le doigt dans l’œil. Pas le temps de trop parler. Le triple cas n’aime pas les retards à l’école. Je dis que je serais triste si elle mourrait. La voilà ravie ! Elle a ce qu’elle voulait la Lili Puce. « Tu me souris ! » s’enthousiasme-t-elle. Elle est encore plus contente. « Si on pouvait avoir deux papa, je voudrais que tu sois mon deuxième papa ! » m’annonce-t-elle. Elle attend une réponse. Soyons rabat joie, cachons notre état, ce doit être un manque de vitamines (mais oui !) : « Moi j’aimerai pas être le papa d’une petite fille qui se met tout le temps en colère et refuse de faire ses devoirs… » dis-je. Elle saute sur mes genoux, passe ses bras autour de ma taille. La situation est plus que gênante, mais je sais pas quoi faire. « Promis ce soir je fais mes devoirs sans me mettre en colère ! » répond-elle.
_ Ce serait bien nouveau ça, dis-je. J’aimerai bien voir ça !
_ Tu vas voir… Je vais tout faire et pas me mettre en colère !
_ Tu casseras rien ?
_ Je casserai rien. Je vais pas me mettre en colère.
J’aimerai bien voir ça. Je sais. Je me répète. Mais j’aimerai bien voir ça. Comme ça me ferait plaisir qu’elle ai raison pour une fois…
à 08:52