La magie Harry Potter dans une rame de TER...
La gare était calme. Minuit avait sonné depuis quelques minutes, mais on avait rien entendu. La gare Montparnasse ronronnait. De longs trains accostaient à quai comme de grosses limaces assoupies. J’ai pris un ticket violet à un distributeur automatique. Mes jambes me faisaient mal comme prises dans un étau. J’ai fumé une clope en attendant qu’ils indiquent quel voie je devais embarquer, ensuite j’y suis allé comme à l’accoutumé, laissant mon instinct m’indiquer dans quel wagon monter. Il y a l’embarras du choix, il est inutile par conséquent d’agir de façon rationnelle. Il n’y a qu’une personne dans celui que je choisis, elle est dans la première partie du wagon, elle dort, elle ronfle, c’est un mec de mon âge, peut-être un peu plus, il est allongé sur la banquette, il dort comme le petit prince, un gros sac à dos posé sur la banquette en face de lui. Je passe mon chemin, je vais m’installer plus loin, dans la seconde partie du wagon délimitée par une vitre fumée. En quarante-huit heures j’ai passé dix heures dans le train, plus que trente minutes et je serai chez moi. En attendant j’ai déjà le sentiment d’être sorti du tunnel, l’ambiance douce et semblable à celle d’un salon qui règne dans le TER me plait davantage que l’espace étriqué du TGV. Je m’assoie. Il reste vingt minutes à attendre pour que le train démarre.
Je sors Harry Potter de mon sac à dos. Durant toutes ces heures de train il a été mon compagnon, à chaque changement j’ai cherché le quai 9 ¾. Mais sans résultat. Malgré tout je ne suis pas tout à fait dans le monde réel. Ma grande préoccupation du moment est de voir Dolorès Ombrage se faire réduire en vermicelle par Harry.
Elle est venue s’asseoir de l’autre côté du couloir. En disant bonsoir. Elle m’a fait penser à un être cher que je ne vois plus aujourd’hui. J’ai ressenti une proximité immédiate avec elle. Cette proximité s’est encore épaissie lorsqu’elle a sorti de son sac « L’orde du Phénix ». Les lecteurs d’Harry Potter sont légion en ce moment dans les trains, ils s’espionnent pour voir la réaction des autres, lorsqu’ils passent près de vous, par-dessus votre épaule, ils tentent de voir à quelle page l’autre peut être, brûlant d’envie de demander où l’autre en est.
Elle m’était familière. Déjà. Exceptionnellement j’ai su briser la glace. Du moins ai-je eu ce sentiment euphorisant. Mais pas besoin d’être un brise-glace pour parler à Edwige me dis-je à présent, il y a des caractères qui se trouvent plus facilement que d’autres. Nulle angoisse à lui parler. Nulle angoisse à la revoir. Déjà proche. La magie Harry Potter a une nouvelle fois opérée…
à 15:14