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mise en page par Génie

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Hélio

HÉLIO

Conte sacré...


Il y a quelques nuits de cela, je vivais dans un autre pays, mais avec même famille. J’étais plus jeune et il se trouvait qu’après la classe de l’école primaire, où j’étais trop vieux resté, nous nous trouvions lâchés fraternellement dans un été plombant, en proie à de lourdes présomptions, dûes surtout à la torride inquiétude.
La magnificience nous faisait vivre des rêves ignominieux, cachés entre deux parenthèses, tenant de l’invisible et de l’irréel.
Alors nous nous donnions, libres de ne plus jamais être heureux et de ne penser qu’à oublier.



C’est ici que j’ai connu les affres de la magie(noire) avec parfois un peu de sorcellerie imagée: on aimait à éventrer des crapauds le soir, dans la tiédeur des après repas. De leurs viscères nous retirions d’étranges fils servant à nous attacher un pied, un organe sexuel pendant, ou, à l’occasion, le bout d’un sein.
Ceci pour nous promener, la partie attachée nue, dans les espaces à semi-obscurcis de la nuit, là où elfes poilus et génies malvenus de l’obscur, nous apprenaient alors un plaisir nouveau.

Or cela ne nous suffisait pas: nous aurions voulu un pincement plus réel de nos organes vitaux, un attouchement plus sensible... Malheureusement nos instincts de fraternité nous dictaient de ne point essayer autre chose.
Toute la mise en scène et le théâtre occulte finissaient par moins nous séduire et plus nous ennuyer: nous inventions trop et préférions de plus en plus une chirurgie tranchée sur les fonctions normales de nos viscères. Vraie chirurgie de douleur où nous pourrions espérer voir se déchirer et pourrir nos membres...

Il passa quelques jours...
Dans un après-midi de nuit, je fus surpris de ne plus retrouver ma sœur à un moment où, le plaisir aidant, j’aurais aimé plus que jamais fourrer encore un peu de ma peau sur l’écorce d’un vieux pommier desséché...
J’étais terriblement inquiet car nous avions forgé une envie commune et de me retrouver seul m’indiquait le manque de ressources dont mes sens faisaient l’objet.
De la maison même elle avait disparu, si bien que l’autorité était tentée d’alerter la gendarmerie pour faciliter sa recherche...

Elle revint cinq jours après, mais sans se montrer à personne et je dus de la retrouver par l’habitude que j’avais d’aller, totalement seul, m’accroupir au pied d’une vieille et grosse pierre, cachée des passants... Silex recouvert de saleté et de notre sang que nous offrions à un serpent imaginaire: je l’avais aperçu dormant en rond, un jour d’hiver que le soleil réchauffait!
Son corps entier s’était ramolli, devenu presque flasque et pourtant elle était encore debout, et toujours animée!
Elle ne voulut plus de nos sacrifices habituels que je guettais avec impatience et joie depuis que je l’avais revue...
Les yeux tremblants du glaucome, glauques et recouverts d’un voile, elle ne voulut rien dire de son absence ni de ce qu’elle espérait faire d’elle-même dans l’immédiat...
Ses membres semblaient inanimés: le bras gauche en particulier...
Elle les cachait sous un vieux manteau aux manches trop longues...
Aussi, elle portait des moufles ce qui, en cet été, me surprenait!

Et si sa main droite ressortait normale en longueur,
La gauche n’existait plus!


OOOOOOO


La pauvreté, la misérabilité de ma désillusion n’eut rien de comparable avec l’œil abasourdi que je promenai sur sa silhouette... Un moment, je la crus Vision!
Mais elle n’était que mutisme, pendant des heures obstiné...

Noyé dans l’écœurement, dans la bêtise, l’incertitude et le que sais-je, peut-être impressionné du total, à savoir nos parents qui la recherchaient au terme de ces quelquesjours d’absurdité et qui n’avaient eu connaissance de rien, je n’ai pas réagi au lendemain quand je m’aperçus que de nouveau elle était repartie...

J’avais heureusement gardé l’odeur de son sang, la trace de ses pas ainsi que la direction de son déplacement...

Chien que j’étais alors et chien que je suis encore, j’enfilais un chemin par le museau devinant que c’était le bon! J’avais parfaite connaissance du sentier!
C’était celui-là même qui conduisait au cimetièrre du village...

Avant lui, il y avait une enceinte, j’y arrivai assez vite pour savoir avoir été rapide, avant que la pauvre folle allât en un instant se glisser dans un caveau.
A sa place, parmi tous les édicules présents, j’en aurais choisi un autre...
Celui qui l’attirait était bizarre: en le voyant on penserait plutôt à un linceul de pierre calcaire posé à même le sol, dans l’endroit le plus visible du parc des morts, mais visible aux simples passants, seulement...

Les considérations pratiques ou esthétiques ne sont, au fond, que superflues quand par ailleurs le geste nous est incompréhensible.
Je ne savais pas... Je n’ai pas su...
Mais j’étais immensément triste et m’en retournai...

Une espèce de sang tout jaune m’afflua au front tout le temps que dura la journée, un liquide bleu aussi suinta à la bordure de mes yeux...
5
Dès le soir venu, je revins pour attendre...
Il me semblait impossible de l’interpeller ou, du moins, de pouvoir sortir le moindre son de mes cordes... Ma position était trop inconfortable: tout était fort éloigné des conceptions d’humeur que nous avions eues ensemble, plus tôt. Si loin des bulbes psychiques qui avaient éclos sur nos mandragores mystiques.
Je vivais ici autre chose de plus fort que mes trop précoces idioties!


Quelqu’un s’immisca dans le rêve...

Un homme jeune, de mon âge: c’était donc une histoire sentimentale!

Il se diriga les yeux fermés, quasiment hypnotisé, vers la pierre creuse...

A genoux il l’ouvrit comme si ce n’était qu’un simple coffre de bois de pirate...
Il resta benoît à contempler le contenu puis tendit ses doigts...
je ne pouvais voir la sœur, seulement sa main droite restante que l’autre soulevait...
D’un coup elle se déchira, molle, se séparant du bras qui retomba...

Dans la couleur jaune du crépuscule ça n’avait pour moi que pouvoir d’infection étrange. Personne ne profanait vraiment, personne ou qui que ce soit d’autre n’était diabolisé mais je ne ressentais que folie et terreur de la Faute.
Quelqu’un ou quelquechose était en faute...

L’Amoureux referma le couvercle: il repartait emportant la main et, s’en allant, il la mangeait comme on mange une tranche de pain d’épices...

Quel goût cela a-t-il? Est-ce délicieux? Est-ce encore vivant?
Des nerfs en ceinture autour de mes yeux se sont tendus, peut-être même se sont-ils enflés alors que j’avais soif... Je l’ai deviné moi aussi ce goût, mais j’ai de la peine à croire qu’un morceau de ma propre main ait la même teneur. Surtout que je me sens plus dur à d’avaler que ce que j’ai vu se déliter et qu’il mange...

J’ai courru sans perdre haleine après l’affamé... il me pressait de savoir comme il pût être fait, ce à quoi il ressemblait...
Ce fut pour moi une drôle d’histoire...

Il me reconnut(suis-je si connu?)et m’avoua avoir eu comme un sentiment profond pour ma sœur et, achevant sa nourriture, nous devîmmes bons amis...
Nous discutâmmes ensemble et il me dit ses rendez-vous.

Ma sœur réapparut près de la maison dès le lendemain et, de loin, je l’aperçus... Elle n’osa encore pas se montrer...
Du talus d’où le la voyais, je pressentis comme un trouble , comme une fin à quelquechose d’important... Je me doutais que je ne la reverrais jamais entière...
Après les mains, que mangerait-il d’aussi indispensable?
6

Au soir qui suivit, lui et moi nous retrouvâmes à la même heure devant la porte du cimetierre, prêts chacuns à notre façon pour l’affrontement.
Dès la scène amoureuse entamée, je n’eus pas de peine à reconnaitre ma sœur, mais pas en entier! J’en étais renversé: elle n’était qu’une morte, que cadavre à la limite de la décomposition malgré que sa tête soit restée intacte, que ses yeux voyaient encore et que sa bouche parlait(à lui!). Elle vivait de la figure!
C’était une drôle de position!

M’en retournant je prétexai un n’importe quoi pour détourner l’amble de mes pas de ceux faits par celui qui mangeait à bon compte et m’en revins très vite au caveau... J’appelai doucement la folle de son nom autant que mon rythme cardiaque s’accentuait... Elle me parla...

Elle s’était résolue à cet internement, sans nourritures aucunes, de par l’état de grâce dans lequel elle était, de par le dégoût de sa vie menée, de par l’enfin de tout ce qui peut dégoûter ici-bas. Rien ne pouvait la retenir dans ses projets, surtout pas les paroles puisqu’ ici, en elle, était nouvelle vie... Etait l’Amour peut-être car l’on sait bien qu’Amour est toujours sans paroles...

Elle vivait, à moitié morte, son âme vivait et rendait grand plaisir à l’amoureux sachant que celui-ci viendrait et reviendrait encore rien que pour la contenir... Au fonds je crois qu’ils avaient tout convenu entre eux et qu’ensemble, ils en avaient décidé...

J’aurais pourtant aimé l’arracher à son cadavérisme de fait: elle refusa!

M’en repartant vers je ne sais où, honteux tout de bloc, je ne pus que lui souhaiter bien de bonnes choses... Une bonne vie quoi!
Très subjectivement, ma foi...

Par la seule vertu d’un amoureux aux dents longues et d’une mort latente qu’elle précipitait en elle, s’allongeant sur la planche comme le mort, prenant fait et cause dans son corps de l’état de cadavre, son pauvre cœur se vidait à la hauteur des pissenlits d’autant de regrets mal exprimés qu’un tonneau de pinard du vin de la vie...
J’ai compris ici beaucoup de choses qui me sont toutes restées confuses...

Des lunes plus tard, dans les espaces(grandeur et immensité confondues), je revis le Roméo privé de théâtre(parce qu’après ces scènes, je m’étais tenu à l’écart de l’hectare gardé pour les morts, malade de peur), lui qui n’avait guère engraissé!

Il m’avoua l’avoir entièrement dévorée, de la tête jusqu’aux pieds mais que son corps s’était totalement reformé, tel qu’il était! Qu’il s’y contenait vie et qu’il était redevenu normalement constitué!

Qu’elle en était sortie(de ce corps)au matin blême pour ne plus y revenir...

7

Je courrus à toute vitesse...
J’enjambais toutes les frontières...
J’envoyai un signal à tous mes ambassadeurs...
Je me fis messager plénipotentiare sans malle diplomatique...
J’alertai tous mes indicateurs...
Et mes dictateurs...!
Tous mes simples salariés de consulat...

Peine perdue, tout ici était vrai!

Dans la maison des parents, elle y était vivante autant que moi, autant Qu’un jour de plus, parmi les plus banals qu’ils soient...
L’ensemble de nos “nous” n’avait rien vu passer...
Jamais elle n’avait disparu!
J’étais bien le seul à m’être inquiété de cette illusion...

Et jamais personne n’ osa faire la moindre allusion...

Autant sourds qu’ils puissent être à tout ce que je viens de dire..

 

Ecrit par CarmenKane, le Dimanche 28 Novembre 2004, 16:21 dans la rubrique "Nouvelles".