--> par F. Laurence
« Comment je suis devenu stupide » de Martin Page, un livre enthousiasmant, drôle et qui peut rendre service comme l’expliquait Wandess dans un de ses textes. En effet, à vouloir tout analyser, tout comprendre, chercher le sens des choses derrière la face visible, devient-on heureux ? Faut-il donc comme Antoine, le héros de ce roman, devenir stupide pour accéder enfin au bonheur d’être intégré à cette société ?
Certains ont des réponses toutes faîtes : « Ne te prend pas la tête ». Il faut comprendre : « Devient stupide ça ira mieux ». On a aussi le fameux « Carpe Diem » : vit l’instant présent, moque toi des conséquences, tant pis si tu devient stupide, tu seras au moins heureux. Lorsque cette formule toute faite (qui a même été remarquée à l’étranger comme une bien curieuse nouvelle manie française !) est utilisé aujourd’hui accordons nous pour reconnaître que dans 90% des cas la personne qui la sort n’applique pas son fameux « Carpe diem », elle est souvent stupide (pas trouvé de raison particulière aujourd’hui d’être gentille et magnanime avec les gens que je subis au quotidien…), et en général ne sait donc même pas ce qu’elle veut dire à l’origine.
Antoine, le héros de Martin Page, est une sorte de Candide perdu dans notre belle société de consommation, il refuse la lobotomie par la consommation, refuse de faire un travail inutile (donc créateur de valeur ajoutée), il prétend vivre lucide et moral… Bref nous sommes beaucoup comme lui à avoir une part de nous même lui ressemblant. Antoine est bardé de diplômes inutiles (au sens qu’à l’ANPE on ne pourrait pas lui trouver grand-chose à faire), il veut saisir tout au monde dans lequel il vit, et n’est donc pas spontané ce qui lui vaut d’être rejeté de la société (pas assez Carpe Diem, pas assez « lui-même », et comble refusant de porter des marques qui lui permettraient d’être reconnu et accepté dans un groupe de semblables). Antoine reconnaît sa maladie, il en souffre, il est intelligent, et malheureusement contrairement aux autres maladies, il n’a même pas la reconnaissance des âmes charitables. "L'intelligence rend malheureux, solitaire, pauvre, quand le déguisement de l'intelligence offre une immortalité de papier journal, et l'admiration de ceux qui croient en ce qu'ils lisent." Antoine songe donc au suicide. Puis incapable de se donner la mort, il décide de devenir alcoolique. En parfait intellectuel, il se documente afin de devenir expert en alcoolisme, et afin mieux supporter la vie, enfin acquérir une réflexion incohérente qui lui permettra de mieux se sentir dans se monde. Il trouve dans un bar un professeur en alcoolisme, mais malheureusement ce sera un échec pour lui. Un de plus. Les médecins refusant de lui retirer une partie de son cerveau comme Antoine le réclame, il doit se rabattre sur de l’Heurozac (deux comprimés par jours). Enfin Antoine réussi ainsi à devenir stupide, manger des Big Mac, être malpoli avec les vendeuses et le reste de la Terre, cesser de dire merci sans arrêt, s’excuser, être désolé, et réfléchir aux conséquences de ses actes sur les autres êtres humains et la planète. Il boursicote et devient très vite riche, s’offre un magnifique loft qu’il décore de choses chères et laides, de gadgets aussi inutiles qu’enviés, de ce qui se fait de mieux en matière de téléviseur. Dans le « stupidland », Antoine devient un roi. Il achète même la voiture qui lui permet d’affirmer ce statut, les femmes les plus veules lui courent après. «Son coeur et son cerveau débordaient de chamallows multicolores» dit l’auteur.
Ironique, cynique, contrairement à ce que peut laisser supposer son titre, « Comment je suis devenu stupide » n’est pas un livre méprisant, ni prétentieux. Il est drôle et intelligent, et démontre ainsi que l’intelligence est affaire de comportement, d’éthique et non forcément de taille de voiture, d’achats spontanés, de diplômes ou de vêtements. Bien utile avant d’aller en boîte l’été, le livre donne même la recette pour s’intégrer dans le monde de la bêtise en mettant momentanément de côté ses prétentions, tout en jouant des codes et des gens. Un livre qui peut vous rendre dangereux, surtout si vous décidez d’utiliser votre intelligence à devenir le roi d’une cours de crétins. Car nous vivons finalement pris entre nos contradictions. Le savoir est déjà est luxe qui en remplace d’autres beaucoup plus coûteux et futile. A dévorer cet été pour rire en redécouvrant notre monde.
Références : Comment je suis devenu stupide, de Martin page, 50 F à La dilettante pour l’édition la plus agréable, 25 F chez J’ai Lu pour l’édition de poche.
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à 17:10