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 Ecrits de la vie...   Fiction   Les aventures de Paul-Henri   Nouvelles   Z 

mise en page par Génie

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Comment je suis devenu stupide

J’ai décidé il y a quelques jours de rallumer la lumière. Voilà, je n’ai pas trouvé d’autre terme, je me suis senti être devenu une personne terne. Pour être terne, sur ce chemin, je n’étais pas encore arrivé à son terme. A vingt-cinq ans comment aurais-je pu prétendre être passé par toute la compromission possible ? Mais je crois que j’étais bien parti sans me vanter !

            Quand avais-je décidé de devenir tout à fait banal ? Je crois que c’est le jour où j’ai refermé le livre de Martin Page « Comment je suis devenu stupide ». Cette lecture m’avait permis de mettre le doigt là où ça me faisait mal. Un grand bien. Un livre drôle et sensé. Si je ne me sentais pas intégré (parlons d’intégration, c’est à la mode) à ce monde, me révéla l’auteur, l’explication était simple : je n’étais pas assez stupide. Je refusais toutes les discussions creuses et je préférais l’attente, le silence. Jusque qu’à cette lecture je me refusais d’avoir des avis déjà tranchés comme cela se pratique si souvent avec suffisance dans les salons ou lors des soirée barbecue. Je m’excluais donc, malgré moi, mais je m’excluais. A ne pas avoir les à priori de mes semblables, à chercher autre chose, à ne pas me résigner, je ne jouais pas le jeu. Elsie me le fit très bien comprendre. On ne vous le dit jamais comme cela : on vous dit que vous vous compliquez la vie, cherchez la petite bête. On peut même vous tuez virtuellement : « Toi ! Tu te prends trop la tête ». Et ça, se prendre trop la tête, si vous vous figurez que c’est un compliment, vous vous fichez le doigt dans l’œil bien profond. Il est des endroits où lorsque l’on vous signifie cela, ce n’est ni plus ni moins qu’une déclaration vous signifiant que vous êtes en situation irrégulière sur ce territoire (le territoire de ceux qui se prennent pas la tête j’entends).

 

            Etais-je amoureux d’Elsie ? Lorsqu’elle me fit cette fameuse déclaration, il me semblait ne pas l’être. Mais je sus voir mon intérêt. Bien sûr je ne pouvais pas devenir stupide. D’ailleurs la plupart des personnes m’entourant n’étaient eux même pas stupide. Elsie non plus. Alors ? Alors, il était clair que dans un groupe, il fallait être stupide. Dès que ce groupe dépasse une personne. Comme le fit Malraux, je décida donc d’avoir ma déclaration à moi. Le XXI ème siècle veniat de commencer depuis déjà quelque années et je pus déclarer à voix haute dans ma tête : « Le XXI ème siècle sera stupide et il ne le sera pas sans moi nah ! ».

            Un ami m’avait fait remarqué que comme lui je conceptualisais mon existence, ma façon de vivre. Je découvrais cette vérité à cette occasion. Et je décidais de l’utiliser pour devenir stupide. Le succès de ma stupidité fut immédiat. Mes études fonctionnèrent encore mieux, Elsie devint une amoureuse sans condition. Elle avait toujours exprimé une sorte de désir pour cette amour que j’appelais servitude. Elle fut comblée, je me mis sous sa coupe et elle sous la mienne. Comme tant de femme qui affichent leur prétendue modernité, son rêve était celui d’avoir un homme lui dictant son comportement. Ma stupidité me conduisit à la satisfaire pour son plus grand plaisir. Ses parents qui jusque là me trouvaient sans relief m’apprécièrent dès le premier jour de ma métamorphose.

 

            Ah que je me pris à aimer ce monde ! Comme les boîtes de nuits me parurent jolies. Comme les filles même les plus décérébrés surent me plaire ! Comme je sus leur plaire une fois délestée du fardeau de l’intelligence et davantage intéressé par la profondeur de leurs décolletés ! Bien sûr Elsie fut jalouse ! L’homme coincé que j’étais fini presque par lui manquer… J’eu toutes les marques d’amour que je pouvais espérer de sa personne. Jalouse, elle s’imaginait bien sûr complètement amoureuse. Avez-vous remarqué comme cette confusion est assez répandue ?

 

            Mais voilà, une petite voix se faisait déjà entendre en moi. Tout au fond de moi. J’avais abdiqué mes différences. Ce fameuse différences dont tout le monde fait son beurre. J’ai bien songé à me faire passer pour un rasta, un anarchiste, un communiste pas content ou unn truc comme cela pour retrouver un peu d’oxygène. Mais non, le cœur n’y était plus. J’avais voulu être comme tout le monde, et alors que la dernière phase de ma transformation se profilait (mettre des vêtements qui m’évitent de penser, en m’offrant une posture reconnaissable, un attirail idéologique tout fait), ma pitié pour le genre humain se mit à gonfler et failli me mener à la conversion à la première religion venue. En fait j’avais comencé à me débarrasser de tout ce qui m’avait facilité la vie… Avec bonheur je redevenais un moi-même qui ne faisait aucun effort. Je me sentais bien. Contraint pas rien du tout. On dit souvent qu’il faut être soit même pour plaire. Les personnes qui plaisent en étant eux même ont bien de la chance. Tout le monde ne plait pas en étant lui-même. Je suis dans ce cas. Mais je ne voulais plus avoir à m’en excuser. Mais de ce grand bien survint un grand mal. A ne m’imposer aucune conduite, je devint terne. Silencieux. Aucune envie d’aller vers les autres. Leurs avis me fatiguaient. Leurs ambitions également.

 

un jour, fin mai.

 

lien vers le sommaire de mon journal

 

 

lien vers « Les aventures de Paul-Henri » premier épisode (publié ce même jour)

 

 

Ecrit par Wandess, le Samedi 28 Juin 2003, 22:32 dans la rubrique "Ecrits de la vie...".