Ceux du passé, je les retrouve parfois lorsque je range. Lorsque je trie de vieux papiers, ces vieilleries qu’en vingt-cinq ans j’ai réussi à accumuler. Que souvent je reconduis. Je ne suis pas capable de jeter. Au mieux j’archive. Les archives ont cet avantage de ne jamais être très loin, mais d’être prisonniers dans un emballage carton qui repose à la cave. Mais il y a le reste. Le pas rangé encore. Le que je sais pas ranger. Etrange de me retrouver face à face avec ces vieux billets de cinéma. Je reste bien une minute face à ces deux tickets attachés encore ensemble. Miramar, salle 3, séance de 13h30, le 08-05-95. Mon billet à côté du sien. Souvenir d’un après-midi pluvieux de printemps, nos deux mains dans le noir pour la première fois, le baiser osé dans le noir, le premier. Mémoire ressortie par hasard, les longs cheveux de Cécile, nous étions ensuite allés dans les jardins du Luxembourg en métro. Passion platonique, elle m’écrivait des poèmes, je me suis retrouvé par sa faute à écrire… Je l’en remercierai jamais assez. « Dis-moi oui ! » c’était le film que nous étions allé voir. "Oui!".
En retrouvant ces traces du passé je me sens tel un archéologue. Il est des piles de parasses que je n’ai jamais retouché depuis leur constitution, sauf pour les déplacer lorsque je me suis installé dans mon appartement. Il se trouve aussi des choses que je ne voudrais pas retrouver. Une lettre de Leslie me disant à quel point je gâchais notre histoire, à quel point je faisais une erreur en la quittant. Me disant qu’elle sait qu’il y a un truc qui cloche chez moi, mais qu’elle s’en fout, que je suis parfait comme ça… Envi de ne jamais retomber là-dessus. Mais puis-je détruire une lettre qui a survécu ainsi durant plus de huit années ? Je n’en ai pas le courage. J’aime me souvenir des belles et des moins belles choses.
Là encore sa lettre. En face elle n’aurait pas su me le dire. « Alors je te l’écris : je suis enceinte de toi ».
Ici une photo, Marion et moi, nous jouons avec la minette. Elle doit être grande maintenant. La fille de Marion aussi sans doute.
Une autre lettre. Cyntia me dit qu’elle m’a dans la peau. Dommage que j’ai déménagé à ce moment là au propre comme au figuré.
Moi et Elise. On a trois ans. Si j’en crois la date inscrite à la main au dos de la photo. Année 1981. Décors de neige. On sourit au photographe, nos bonnets enfoncés jusqu’aux oreilles. Les mains dans de petits gants en laine. Nous posons devant notre réalisation, peut-être mon premier bonhomme de neige. J’ignore ce que fait cette photo à cet endroit là. Loin des autres. Loin de celle dont j’ai le souvenir, la sœur de celle-ci, celle où on s’embrasse. Tout premier amour. J’aimerai avoir le temps de noircir des tonnes de pages sur elle pour avoir plus qu’une photo, au cas où un jour j’oublierais. J’adore retrouver mon enfance. Il y a une chanson de M que j’adore sur ce thème.
Il y a ceux du passé que je vois revenir avec nostalgie. Ceux dont j’aimerai avoir encore des nouvelles. Ceux dont j’espère ne plus jamais en avoir. Il y a ceux du passé, dans un coin, quelque part, je l’espère pour eux, même parmi les pires il n’y en a pas que j’aimerai savoir morts. Dans mon studio, des bouts de passés, des photos, des cartes postales, des lettres, ou des mots que j’ai pu leur écrire, ou griffonner en pensant à eux. Je les retrouve un peu. Heureux ou malheureux, mais sûrement nostalgique.
Il y a une semaine lorsque j’ai commencé ce grand tri j’étais tombé sur une des nombreuses lettres que Constance m’a écrite. Je m’étais demandé une nouvelle fois si je devais la rappeler. Mais je ne l’avais pas fait. Jeudi dernier c’est elle qui m’a rappelé. Nous nous sommes revus hier. Elle va bien, elle vit avec un mec, et ils semblent heureux. Nous devrions nous revoir. Malgré près de deux années sans nouvelles, nous sommes toujours amis. Je trouve ces choses là formidables.
à 22:14