--> régression sociale et discours de belles intentions, ou comment se moquer du monde en continuant son petit manège
Les vacances sont là. Les vacances scolaires je veux dire. Bien des personnes n’auront que deux semaines de congé, peut-être trois, quant à un grand nombre ce ne sera rien du tout ou des congés sans solde. Centre aéré, et colonie de vacance ou grands parents pour les enfants les plus chanceux, vont relayer l’école. Les enseignants partent en vacance*, les animateurs de colo et centre aéré prennent la suite. On parle beaucoup d’éducation, de la fameuse prévention. Aujourd’hui l’animation a une véritable ambition éducative, bien que plus limité que l’école, l’animation prétend désormais participer à l’instruction de l’enfant. Différemment de l’école bien sûr, mais l’animation est ambitieuse, les association militante, certaines délivrant le fameux B.A.F.A. envisage ce métier comme autre chose que de la simple garderie. Animateur est donc un vrai métier, les règles (élaborée depuis le ministère de la jeunesse) sont devenues plus exigeante, et il n’y a pas de quoi se plaindre d’un tel programme.
Ayant été animateur avant d’être enseignant, je peux témoigner que ces deux métiers ont d’importantes différences, mais qu’être un bon animateur impose une certaine ambition pour soit, les enfants, l’idée d’une société de progrès qui passe par une véritable implication vers les jeunes.
Cette transformation du métier d’animateur est similaire à ce qui s’est produit dans d’autres métiers, tel que dans le métier de maître nageur, une professionnalisation du métier semble en route. Des personnes motivées, comme ma sœur se sont lancés là-dedans, croyant dur comme fer à une manière exigeante de travailler en oeuvrant pour les enfants. Eduquer c’est aider l’enfant à devenir adulte, former sa personnalité. Bien des enfants trouvent cela lors de colo ou dans des centres aérés, l’enfant sort de la classe et de sa famille, il découvre le monde autour de lui, bien des parents à cause de leur activité professionnel n’ont pas ce temps. Un étude l’an dernier a montré que les enfants fréquentant colo et centre aéré avaient un vocabulaire beaucoup plus large que les autres. Tout cela démontre que l’enfant qui est accueilli peut très certainement ressentir cela comme un abandon de la part de ses parents, surtout au début, mais pour l’avoir vécu je sais que beaucoup après quelques jours joue la culpabilisation de leur géniteur alors que leur intégration a parfaitement réussi, culpabilisation d’autant plus facile que beaucoup de parents culpabilise effectivement, et qu’une partie de la société les y pousse en faisant d’eux de mauvais parents ( genre « quoi tu l’envoie trois semaine en colonie ? Le pauvre …)
Pourquoi ce long propos ? Pour la simple et bonne raison que l’animation, comme l’éducation nationale, joue un rôle essentiel. Il me semblait utile de rappeler que l’animation aussi, et que nous étions loin de la simple garderie, du moins dans ce qui est en projet. Des animateurs jouent le jeu. Seulement cette réforme est aujourd’hui bloquée. Pourquoi ?
Le premier janvier 2001 a vu passer une loi qui obligeait toutes les mairies à ne plus gérer directement leurs centre aérés et leurs colonies de vacance. Cette loi avait pour but déclaré de mettre fin aux risques de détournement de fond (on dit abus de bien sociaux me semble-t-il en terminologie officielle). Loi salutaire ? Dans ce domaine peut-être. Seulement une conséquence néfaste en a résulté. Et il est fort probable que les concepteurs de cette loi le savaient. Il se passe qu’aujourd’hui centre aéré comme colonie de vacances sont en fait sous traités par les mairies à des associations de loi 1901. D’un point de vu économique l’avantage est grand : les bénévoles de ces associations sont le plus souvent non payés, les mairies les mettent en concurrence et réduisent ainsi leurs coûts. Les associations, pour emporter les contrats avec les mairies tirent sur les prix, par conséquent sur les salaires des animateurs. Paradoxalement, alors que des animateurs de mieux en mieux formés aux enjeux du métiers arrivent sur le marché du travail, désireux de bien faire, souvent formés au-delà du BAFA (par exemple en théâtre, art plastique, musique, conte etc…), désireux de vivre uniquement de cela en faisant très bien le travail et croyant en leur mission, les salaires qui leurs sont proposés sont sans cesse plus bas malgré un travail de plus en plus important (ils sont animateurs et ne font pas de la garderie en principe).
Appelons Lampe l’association pour laquelle devait travailler ma sœur cet été (comme Lampe de…, et ainsi ça évite d’éventuel poursuites). Elle ne diffère pas beaucoup de nombreuses associations. Leurs projets sont souvent carré, ambitieux, car c’est un plus pour vendre ses projets aux mairies. Le slogan de l’association Lampe est de Montesquieu : « Eduquer ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu » (c’est à peu de chose près ça). Oh comme cela semble joli ! Mais voilà comme tant d’autres associations, le projet n’a été retenu par une mairie, qu’à un coût très bas. Du coup payer des animateurs devient difficile. Et en trouver aussi. Quelle astuce trouver alors ? Simple : mentir. Il suffit pour cela de dire que vous payez 45 euros brut par jour. A ce prix ridicule et pourtant largement au dessus des 15 euros proposés par jour (les jours en colo sont de 24 heures pour rappel), l’annonce web est remarqué et beaucoup d’animateurs répondent présent. Surtout que le projet éducatif est des plus séduisant. La colo début mercredi. Au téléphone l’embauche est faite : « On vous prend ! ». Ma sœur est ravie. Tout pour plaire en somme, elle est prête pour un agréable mois de juillet où ses compétences sont appréciées et payés convenablement. Et ensuite ? « Vous recevrez le contrat, on vous l’envoie ». Celui-ci arrive aujourd’hui lundi (donc deux jours avant le départ !). Elle a donc choisi cette colo plutôt qu’une autre, c’est son gagne pain, c’est ça ou rien. Mais voilà, sur le contrat d’embauche, le salaire brut n’est plus que 27 euros brut par jour !!! Au téléphone : « C’est ça ou rien, de toute façon si vous dites non, on a plein de candidature ! ». Vous voyez l’astuce vous ? Voilà, beaucoup d’animateurs ne peuvent plus dire non, ma sœur le peu, elle est pro, elle utilise Internet et le site de l’ANPE. Mais pour beaucoup de jeunes animateurs le piège à con se referme, il es trop tard pour trouver autre chose. Au téléphone, comme répondent tant d’associations, le retour de la laideur : « Vous avez déjà de la chance, on vous paie vos vacances ! ». Que devient alors le beau projet éducatif ? Des animateurs et des animatrice qui comme au bon vieux temps ne verront le BAFA que comme un moyen de partir en vacance, se faire des amis (animateurs comme eux), s’asseoir sur les marches, griller sa clope en gardant les mômes qui jouent dans la cours…
Voilà, j’espère que cette prose si longue ne vous aura pas ennuyé et aura réussi à sensibiliser quelques personnes à ce foutage de gueule organisé. Pour info supplémentaire, la mairie de Paris, consciente ou non, a très largement recours à ces associations, comme tant d’autres, même de beaux discours cachent cette réalité, et vu les moyen données aux associations, je ne crois pas que les politiques puissent l’ignorer, leurs budgets dans le domaine ayant en effet pu ainsi baisser.
Si vous avez été sensibilisé, merci de diffuser cela si cela vous tient à cœur, car on en parle finalement assez peu alors qu’il me semble que cela correspond à un plan mûrement réfléchi, qui en outre transforme des associations de loi 1901 en petite entreprise. De là à penser que le MEDEF est là-dessus…
Surtout, n’hésitez pas à faire parvenir votre réaction ou vos mésaventures en tant qu’animateur n’oublions pas que certains articles peuvent trouver une certaines résonance et que cela dépend de nous !!!
*Je me permets de rappeler ici pour information que les enseignants sont payés sur dix mois uniquement, les deux mois de fermeture ne sont pas payés, mais la paie des enseignant est annualisée sur douze mois ! Si on fait le calcul, ces feignants d’enseignants comme on le dit dans les milieux qui croient bosser d’avantage que les autres (genre pauvre petits commerçants qui trouvent toujours des raisons de se plaindre !), le nombre de semaines de congé payé n’est donc que de huit semaines, sachant qu’un enseignant à chaque vacance passe une des deux semaines à préparer sa classe, corriger, et préparer les cours pour les sept semaines à venir, un enseignant (notamment dans le primaire), travaille davantage qu’un employé du privé, tout en sachant qu’il a en général trente enfants sous sa responsabilité, donc soixante parents, un enseignant à donc en responsabilité et en négociation une charge aussi importante au moins qu’un patron de PME…
à 23:28