« Et comme boisson ? » Toujours aussi mignonne et si désirable, la vendeuse de la sandwicherie me demande ce que je prendrai avec mon jambon beurre : menu grand luxe. " Tu me mettras un Coca, stp". "Quoi, un coca ? Me demande Stéphanie, qui m’accompagne. T’es pas au courant ?" Je la regarde médusé : "De quoi ???Que mon grand-père s’en sert pour enlever les moustiques sur la carrosserie de sa voiture ? Que c’est mauvais pour l’estomac ? Pour ma ligne ? Qu’il y a 26 sucres par litre ?". Elle ne perd pas son sérieux : "Non, il faut pas consommer de produits américains!" s'emporte-t-elle. ... Oh my God !!!

Ne souhaitant pas perdre de temps, je ne lui ai pas demande pourquoi il faudrait avoir une telle pratique. Bien sûr je connais les Etats-Unis : les affreux qui envahissent le beau pays du Moyen-Orient dirigé par ce si sympathique dictateur moustachu, qui imposent leur politique en Amérique Latine, qui ne ratifie pas les accords sur l’environnement, qui a une population obèse,….. Bien sûr, on peut complimenter les Etats-Unis sur de nombreux points. Mais je me demande sérieusement comment tout cela peut toucher cette fille, qui n’est même pas capable de situer son pays sur une carte.

De toute les façons, il n’est pas dur d’inciter les gens à de tels choses. Faites suivre une belle chaîne sur internet. Dites à tous ces bœufs de suivre votre protestation adolescente contre l’impérialisme des « States ».

Le but du jeu n’est pas dur : ne pas consommer américain. « Pas dur ? » Je pense que pour un jeune aujourd’hui, et surtout consommateur comme nous le sommes, cela est impossible.

Prenons l’exemple de Stéphanie. Persuadée par le bon sens de cette chaîne, elle la fait suivre à tous ses petits copains néo-antimondialistes (« papi, on dit altermondialistes »). Sur son joli ordinateur Bell, équipé des dernières technologies (processeur 1-tel, etc), elle utilise Licrosoft Fenêtres pour pouvoir partager son esprit de révolution. Bien sûr, rien dans tout ça n’est américain. Pour agrémenter sa soirée, elle boit plus de Coca (« Ca vient des States ») mais du Pepsi (« c’est pas américain, hein ? »).

Le lendemain midi, entre deux cours à la fac, elle va au ‘restaurant’. Le Quick est trop loin, le restaurant trop cher. Elle va chez Mr Do (pour les intimes, vous m’avez tous compris). Ayant tout de même saisi que c’était américain (les noms sont anglophones), cela lui fait une bonne raison de s’excuser, d’être embêter, de dire une connerie de plus. Au lieu de l’habituel « zut, pourtant j’avais dis que j’faisais un régime » j’ai le droit au « zut j’avais dis que je ne consommais pas américain, pas grave, hi hi ». Elle a vraiment besoin de me faire chier avec son histoire de révolution marxiste de petite bourgeoise.

Bien rassasiée par toutes les bêtises qu’elle a dite au Mr Do, elle va faire des courses : « trop forte les nouvelles Mike »,  « tu penses quoi de ces Ribouques ? ».

Que nous ont fait ces pauvres américains pour mériter cela ? Ils sont quand même venus nous sauver en 1945. Je pense qu’il est bien facile de se révolter contre un pays qui connaît un niveau de vie et une évolution plus avancée. Il ne s’agit peut-être pas de jalousie. Mais de quoi s’agit-il en fait ?

En tout cas, il est bien aisé de critiquer un Etat qui signifie développement mondial. C’est quand même de là que viennent toutes les innovations dont nous profitons. Si cela vous choque, pourquoi vous opposer à ce pays de telle manière. Ok, cela crée des inégalités. Mais pourquoi ne pas utiliser toute cette énergie gâchée à de tels stupidités à aider des pays en développement victimes de ces inégalités. Encore mieux, au lieu de shooter (« boycotte, boycotte », shooter, c’est un mot américain) dans la vieille qui tombe devant vous ou le sdf qui demande des tunes, aidez-les. Mais oui, c’est tout de suite moins intéressant que de se battre contre le méchant gros américain qu’on ne voit finalement jamais. C’est si excitant d’entreprendre une action dans le vent, dont on sait très bien que les conséquences seront nulles pour le gros méchant Etats-uniens. Eh oui, espèce de consommateur utilitariste, l’obèse dans son fauteuil s’en fout de ta gueule, des cons comme toi, il en a des tonnes. Il réside même en toi son occupation favorite : voir des cons bouffer sa merde en même temps que leur grands discours.

Alors oui,  je te laisse Stéphanie en rêvant face à l’Orient sous développée. Je te laisse sortir tes conneries sur les Etats-Unis. Je te laisse aller voir Matrix, boire du Coca, conduire une Ford, utiliser Windows.

Pendant ce temps-là, je vais jouir à consommer des produits américains. Moi, « sale consommateur occidental. » Je pense même dans la vie à satisfaire mon plaisir, à mon bonheur. Je suis un être choquant et infâme : je pense à mon bonheur. Certains n’hésiteraient pas à me traiter d’ « Occidental » pour un tel point de vue.