A présent… A présent il me reste des souvenirs. A présent il me reste son parfum qui s’efface déjà. A présent je n’ai plus rien d’elle sinon quelques uns de ses cheveux dorés oubliés sur mon pull. A présent c’est le néant. Tout juste un numéro de téléphone portable, un numéro auquel je peux l’appeler. Mais qui ne changera rien. Je serai loin d’elle, loin comme elle le sera de moi.
Avant-hier je ne savais pas cela. Avant-hier je buvais dans un pub avec des amis. Avant-hier je me moquais bien des sentiments amoureux. Avant-hier c’était avant elle, c’était bien peu de temps avant qu’elle ne me regarde et se lève. Avant-hier, minuit s’avançait tout doucement dans les rues de cette ville au bord de la Loire, je buvais une pinte et dombrais doucement dans les couleurs dorées d'un bien être animal. Rine que le mot me plait. "Pinte". Peut-être la deuxième. Peut-être la troisième. Elle était passablement ivre. Mais il n’était pas encore minuit et je parlais syndicalisme avec un camarade assis à ma gauche. Soir de grève oblige. Journée chômée pour la bonne cause. Avant-hier je ne pensais pas à elle. Et je ne pensais pas non plus à une autre. Avant-hier, jeudi donc, je ne connaissais pas son corps, je ne connaissais pas son parfum, je ne connaissais pas son sourire, je ne connaissais pas son prénom.
Aux premières heures d’hier la voilà qui vient… La voilà qui marche entre les chaises et pose sa main sur mon épaule. Elle aurait pu m’apparaître comme tant d'autres. Mais non, elle n'est pas les autres. Sa franchise, son ébriété, son sourire et son rire, c’en est trop. Ses gros mots et ses rires qu'elle laisse rouler sur la table, c’en est trop aussi. J’admire sa liberté. Elle rencontre la mienne. Nous sommes deux êtres complètement libres, disponibles à l’aventure. Cette liberté qu’on a si rarement dans la tête, et qui bien souvent s’est arrêtée au papier car on a pas su se l’approprier. Cette liberté trop rare et que je savoure à sa vrie valeur depuis peu, dont je profite en chaque instant avant qu'elle ne me fuie.
Deux nuits. Deux nuits à nous. Une nuit à se chercher et se trouver au bout des doigts. Une nuit à chahuter comme deux gamins virés de cours. Nuit enfumée. Une soirée étudiante comme il en existe dans mille dancings clinquants de France. Mais aucune importance… Elle est là avec ce petit haut dont elle dit qu’il en fait un peu trop. On m’aura vu danser quelque part dans un dancing de cette ville au bord de la Loire. Danser. Embrasser. Etreindre. Caresser. Recoiffer. Serrer très fort, regarder sans pouvoir décrocher de ses yeux. Boire. Murmurer. Chanter. Crier. Frôler. J’aime son corps contre le mien. J’aime les sourires qu’elle m’adresse et ses yeux qui pétillent. J’aime ses gentillesses, et les mille mots qu’elle me dit en toute sincérité. Elle me trouve beau. Elle trouve que j’ai un joli visage. Les mains douces, et la peau égalmeent découvre-t-elle. Puis ce n’est pas tout… Elle aime ce que je suis. Dernière minutes sur Yann Tiersen… Ils utilisent cela pour vous faire partir, ça saute aux yeux. Mais nous restons tous les deux sur la piste de danse… Il nous reste quelques minutes pour échanger nos numéros en empruntant un stylo et des feuilles de conso au comptoir du bar. Au cas où nous nous perdrions de vue en descendant ces marches.
« As-tu autant que moi l’envie de se revoir ? »
Deux nuits. La seconde pour se dire au revoir. Pour se serrer très fort. Pour savoir que nous serrons des ombres de passages. Ni l’un ni l’autre n’est de cette ville du bord de la Loire. Notre rencontre était comme un accident, il faut l’admettre. Nous ne ferons pas d’enfants ensemble, c’est déjà entendu. Nous n’avons pas d’avenir commun. Les autres couples se demandent secrètement au fond d’eux si l’autre est la bonne personne, celle d’une vie… Notre vie nous épargnera ces questions. Il y avait une date de péremption. Très courte. Trop courte. Juste le temps de se serrer dans les bras. D’avoir très envi l’un de l’autre. Vouloir garder l’autre contre soit. Même si courts, de ces instants je sais que ça aurait bien marché entre nous s'il y avait eu une suite… Mais de suite il ne sera question jamais.
« J’ai du mal à te laisser… De me dire que demain tout sera comme avant-hier…Sans toi… Que je devrai faire comme si nous ne nous étions jamais rencontré… »
Une porte se referme. Un ascenseur. Mon cœur pleure. Dehors ça ne se voit pas. Deux jours ça ne suffit pas pour dessécher des larmes. Je me dis que c’est beau malgré tout. Dire que je commençais à trouver la vie pas si mal faite. Elle a raison. La vie est mal fichue. Même si s’être connus c’est déjà pas si mal…
à 00:32