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 Ecrits de la vie...   Fiction   Les aventures de Paul-Henri   Nouvelles   Z 

mise en page par Génie

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Un train de plus...

« - Cette place est prise ?
-Non, non. Vous pouvez vous asseoir.
-Merci. »

« - Une heure de trajet et j’ai l’impression que ça fait des jours que je suis dans ce train. Et cette chaleur, elle est insupportable, vous ne trouvez pas ?
-Vous n’êtes pas habitué à voyager en train n’est ce pas ?
-Comment le savez vous ?
-Les habitués prennent leur mal en patience et ne sentent même plus la chaleur qui règne ici.
-Comment peut on faire abstraction de cette chaleur ?
-On ne peut pas. Mais eux, ils s’adaptent.
-Je ne comprends pas…
-C’est normal, je ne suis pas très clair.
-Expliquez moi !
-Ca ne vous dérange pas si je fume ?
-… Non, mais…
-Laissez moi me rouler une clope alors. Le trajet va être long et j’ai besoin de ma dose de nicotine avant de pouvoir discuter de tout ça avec vous. »

 

« - Mon dieu. Ca fais du bien de respirer le tabac. Vous êtes sur que la fumée ne vous dérange pas ?
-Pas du tout. Je fume aussi.
-Bien. Je vous dois des explications je crois. Vous sentez cette chaleur ? Vous sentez ces gouttes de sueurs qui perlent sur votre front et la difficulté que vous avez à respirer dans une ambiance aussi lourde ?
-Oh que oui, je le sens.
-Regardez nous.
-…
-Et maintenant, regardez les. Rien ne vous choque ?
-Ils ont l’air si… frais !
-Exactement. A croire que le train est climatisé partout sauf dans notre compartiment. Alors que c’est pareil partout, la même chaleur. Nous la sentons, nous en souffrons. Nous en portons la trace. Ils sont parfumés, se passent des lingettes, essayent de lutter contre ça et y arrivent. On dirait qu’ils sortent à peine de la douche alors que ça fais une heure que nous, nous transpirons dans ce putain de train.
-Mais comment font ils ?
-Je vous l’ai dit ils s’adaptent.
-Mais vous ? Vous êtes aussi un habitué ?
-Oui. Mais je me refuse à m’adapter.
-Et moi ?
-Vous vous adapterez probablement comme tous les autres et vous oublierez ce que je viens de vous dire. C’est la nature qui veut ça. »

« - Arrêtez de me regarder comme ça. Je ne suis pas fou.
-Je n’ai pas dit ça !
-Non. Mais vous l’avez pensé. Ils le pensent tous à un moment ou un autre. J’ai juste ?
-C’est vrai, je l’ai pensé.
-Je sais.
-Je m’interroge sur vous. Vous avez l’air si différent.
-Différent de quoi ?
-Des autres. De nous. Des gens en général.
-Je le suis en général. C’est aussi simple que ça.
-Qu’avez-vous de différent des autres ?
-Quel est le sens de votre vie ?
-Le sens de ma vie ? Je ne sais pas, je n’y réfléchis pas vraiment… Quel est le sens de la votre ?
-Je ne sais pas non plus. Vous voyez que je ne suis pas si différent que ça.
-Ce n’est pas ça. Vous le savez. Votre regard est si triste, vos paroles si…
-Justes ?
-Il y a sans doute de ça. Pourquoi ce regard ?
-Parce que j’ai mal.
-Et qu’est ce qui vous fait mal ?
-La vie.
-…
-La vie en général. La mienne et celle des autres. Ce qui me fait mal, c’est de devoir me battre pour ça.
-Pourquoi ?
-Pour aller. Pour vivre vraiment. Pour goûter au bonheur sans demi mesure et ne pas me contenter du peu que la vie voudra me donner.
-Il est parfois bon de se contenter de peu…
-Dans mon cas, cela signifierait me détruire. Alors je me bat. »

« - Je peux vous poser une question ?
-Oui ?
-Comment vous battez vous ?
-Comment je me bat ? Vous savez, ce n’est pas aussi simple que ça. Tous les matins, je me lève et je prend ce train en me disant que peut être il sera différent des autres. Et tous les matins je vois que c’est le même. Je ne sais pas me battre pour les autres, mais je sais une chose, c’est que j’aimerai me battre pour que mon train à moi ne soit pas le même tous les jours.
-Vous ne répondez pas à ma question.
-Vous êtes têtu.
-Très.
-Hé bien, je suppose que c’est une qualité…
-Je pense que c’en est une, en effet. Alors ?
-Je me bat en ayant mal. Toutes ces douleurs que vous évitez prodigieusement comme la peste, tous ces individus que vous évitez, tous ces détours que vous faites pour éviter d’avoir à détourner une montagne, tout ça, je ne le fais pas. Je fais front et je prends la vie de face. Je prends la vie en pleine gueule et ça me fais mal. Putain, ce que ça fais mal.
-Pourquoi faites vous ça alors ?
-Vous ne comprenez donc pas ! C’est par là qu’on doit passer. C’est là où il faut aller pour connaître la vraie valeur de la vie et du bonheur quand il arrivera. Tous ses subterfuges pour moins souffrir ne valent rien, vous ne connaissez rien à la vie. Vous ne prenez que des risques calculés pour éviter de tomber et le jour où vous tomberez vous serez probablement incapable de vous relever. Parce que vous ne savez pas. »

« - Vous êtes bien silencieux depuis quelques minutes.
-Je réfléchissais à ce que vous me disiez.
-Et ?
-Et je ne comprends pas ce que vous voulez dire et pourquoi vous êtes comme ça. Pourquoi vouloir souffrir à tout prix ?
-Vous savez, avant, j’étais comme tous ses gens. Du moins, je le pense car je n’en ai pas le moindre souvenir pour être franc. Je ne sais plus exactement comment c’est arrivé mais j’ai changé en tout cas. J’aime mes douleurs parce que, bien qu’elles me détruisent, elles forgent le meilleur de ce que je serai plus tard et elles m’aident à devenir ce que je voudrai être. J’essaye juste d’avoir une vie qui en vaut la peine, une vie à la hauteur. Qu’est ce que c’est que votre vie ? On se lève, on part bosser, si femme il y a on rentre, on lui fait l’amour et on s’endort. Et c’est reparti pour une autre journée. Tout se ressemble, s’assemble, rien ne change, rien n’est différent. Et c’est ce qui vous tuera. Je veux arriver à la fin de ma vie et me dire que je n’ai pas souffert pour rien, me dire que tout ça était justifié.
-Et que devrait il se passer ?
-Je devrai avoir des étoiles dans les yeux, je devrai sourire beaucoup et admirer les belles choses. Je devrai beaucoup ressentir et aimer, ressentir ses sentiments d’amours tellement puissants. Je devrai être heureux pour de bon, ne plus avoir peur du temps qui passe. Ne plus avoir peur de grand-chose d’ailleurs. Aujourd’hui, je regarde ce monde avec peine et douleur. Je ne supporte pas les gens qui sont perverti par la société et ils le sont presque tous aujourd’hui.
-Et si rien de tout ça ne se produit ?
-Alors je pourrai au moins me dire que je n’aurai pas changé pour la société, que c’est ce qui m’aura détruit mais que j’aurai eu la force de rester moi-même malgré tout ça.
-Etes vous vraiment vous-même avec vos grandes idées et cette envie folle d’afficher votre différence ?
-Si je n’étais pas moi-même, vous me trouveriez quelconque et vous n’auriez pas eu cette conversation avec moi. Vous savez que je ne vois pas la vie comme vous, vous savez que je la ressens différemment et à des échelles supérieures aux votres, et c’est pour cela que je vous interpelle autant.
-Pourquoi me dites vous tout ça à moi ?
-Parce que je me dis que ma vie a une force que celle des autres n’aura jamais. Et je me dis que si vous en preniez conscience vous pourriez, vous aussi, essayer de tout changer.
-Pourquoi moi ?
-Parce que vous en avez marre de cette vie minable, parce que vous en avez marre d’être dans la même catégorie qu’eux, parce que vous pensez à mourir.
-…
-Et vous auriez tord de vous tuer avant d’avoir affronter de face ce qui vous ronge et avant d’en être tombé. On ne revient pas en arrière quand on se tue. C’est fini. Quand on tombe, on se relève et on affronte. Et on savoure la vie.
-Comment savez vous tout ça ?
-Le temps, l’expérience, qu’en sais je après tout ?
-Non… Comment savez vous que je pensais à me suicider ?
-C’est si facile de lire en vous. Comme en tous les autres d’ailleurs.
-Et si dur de vous comprendre.
-Ce n’est pas le même monde. »

« - Qui êtes vous au juste ?
-Qui voulais vous que je sois ?
-C’est à moi de choisir ?
-Je crois que oui. Je suis ce qu’il vous plait que je sois.
-Vous n’êtes pas humain.
-J’ai pourtant un corps et un esprit, au même titre que vous.
-Je ne crois pas en Dieu.
-Vous ais je dit que j’en étais un ?
-J’aimerai comprendre… J’ai besoin de ça pour avancer.
-Non, c’est quand tu auras avancé que tu comprendras. Pas avant.
-Vous ne me direz rien de plus n’est ce pas ?
-J’en ai déjà trop dit.
-Pas assez pour moi.
-C’est à toi d’écrire la suite. »

« - Mon arrêt n’est pas loin, je devrai descendre d’ici une dizaine de minutes. Je vais commencer à y aller.
-Faites.
-Vous savez… Vous m’avez donné envie de me battre pour des tas de choses.
-Faut il encore que ce soit les bonnes.
-Je ne sais pas vraiment. Mais là, j’ai un peu envie de pleurer.
-Alors, c’est que vous êtes sur la bonne route.
-Merci.
-Vous devriez partir, vous êtes presque arrivé.
-Vous reverrai je ?
-Ca ne dépend que de vous.
-Où pourrais je vous revoir ?
-Vous me reverrez quand vous vous battrez.
-Et si j’échoue ? Et si je reste dans ma petite vie organisée et triste ?
-Alors vous m’oublierez."

« - Excusez moi Monsieur. Cette place est elle prise ?
-Non, mademoiselle, je vous en prie, asseyez vous.
-Merci beaucoup. Quelle chaleur vous ne trouvez pas ? Il n’y a pas qu’à moi que ça tourne la tête je crois.
-Vous croyez ?
-Oh oui. J’ai croisé un jeune garçon qui semblait porter toute la douleur du monde sur ses épaules mais qui avançait droit devant lui comme s’il partait à la guerre.
-Vous transpirez ?
-Euh oui… Mais pourquoi souriez vous ?
-C’est une longue histoire. Ca vous dérange si je fume ? »

 

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Ecrit par Dess, le Lundi 31 Mai 2004, 13:58 dans la rubrique "Nouvelles".