A la lueur du bout de sa clope, lorsqu’elle tire dessus, nos visages deviennent orangés pour quelques secondes. Luisants. Puis plus rien. Elle me demande pourquoi nous ne nous sentons pas plus fort. Pourquoi la vie nous met dans de tels états. Je ne réponds rien. Nous pleurons tous les deux, comme deux cons. Deux cons… c’est exactement les mots. Des pleurs lents, humides, sans grosse gouttes, la tristesse est là. Elle me prend dans ses bras, à moins que ce ne soit moi. Qui console qui ? Impossible de la dire.
On est comme tout le monde, on voudrait une fête, faire de nos vie uniquement des instants de joie, rien que des feux d’artifice, des anniversaires de gosses tous les jours, on en a rêvé enfant justement. Illuminé chaque jour. On disait : « Quand je serai grand… ». On disait : «En l’an 2000 ce sera comme ça, ce sera bien… ». On disait : « Un jour je serai aimé, un jour oui, j’aimerai et je le serai en retour ». Et bien voilà, nous y sommes, il est passé l’âge de l’adolescence… Et ? Rien, rien, rien… Rien de nouveau ici bas, on s’est fichu les doigts dans les yeux, on devait avoir l’esprit sacrément embué pour s’inventer toutes ces histoires d’amours, de rêves devenant la réalité, l’avenir facile, l’idée que tout tend réellement vers le bien.
Elle vit dans le noir depuis deux semaines. Elle veut pas ouvrir les volets. Elle disait que ça allait mal. Maintenant on se dit que ça ne peut plus aller plus mal. J’aime bien venir chez elle, il fait nuit tout le temps, on matte la télé de temps en temps, parfois aussi elle allume une petite lumière. Voilà. On bouffe sans s’embêter. Mal, vite. Lorsque je décide de rentrer chez moi, j’attends qu’il fasse nuit. C’est fou ce que le malheur peut rapprocher.
« On est tout seul maintenant, tous les deux » dit-elle la tête enfouie dans mon pull. Elle renifle, relève sa tête, prend mon visage entre ses mains, j’ai envie de partir sur la mer et de devenir un vrai naufragé, de redevenir un viking, ne craindre rien ni personne,. « Mais maintenant, continue-t-elle, j’ai ce que je n’avais jamais eu avant… Un véritable ami… ».
On se serre plus fort l’un contre l’autre, on pleure plus fort, en criant comme des bébés, c’est fou ce que ça fait comme bien de fendre le silence de cris de douleurs à en réveiller ce petit immeuble, comme c’est bon de crier, si le bonheur existe, ça s’en approche, nos yeux en deviennent bleus lorsqu’ils se croisent, nous apercevons le rivage. Une impression de renouveau libère nos sanglot, c’est bon de se sentir avec elle, de se sentir aussi bien.
à Lo.
à 19:14