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mise en page par Génie

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Plongeon en eaux dures

Je tourne les pages du Nouvel Obs. Je finis par le fermer. J’en prends un autre. L’autre, sur la fin de la vie de ce grand écrivain a réussi à me démoraliser. Je préfère cet article sur Robert Parker. J’ai le sentiment de traverser le Bordelais. Je ne lis que ce que je trouve beau. Il fait beau. Je ferme les yeux. Les vignes brillent, bien alignées sous un soleil de plomb. La sécheresse. Il me semble traverser un pays oublié, perdu. Une France chargé d’histoires, de traditions. Loin des agitations de la télé, loin des Forums alter-mondialistes. Le sol est sec. Chargé. Les vignes y ont leurs racines courtes et musclées. Elles se fraient un chemin pour remplir le raison des saveurs de la terre.



Je revois mon week-end à boire du vin. A boucher les bouteilles. Je repense que je suis un type sacrément vernis. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai manqué de sacrément me blesser. Il me semble jouir d’une chance incroyable. C’est ce que je veux retenir. J’aurai pu aller aux urgences. Mais non. Mes mains ont été à peine effleurées par le verre. Plusieurs centimètres carrés de peaux sont partis, mais pas un tesson n’a pénétré mes mains ou mes poignets. J’ai au creux de mes mains les marques d’un ratage, mais d’une chance incroyable. Dans une semaine on y verra plus rien. Je dois me rappeler maintenant que j’ai de la chance. Que la vie malgré tout me sourit souvent.



J’ai quinze ans. J’ai tout eu en natation. J’aurai pu aller très loin. Mais lorsqu’on le sait, à quoi bon aller jusqu’au bout ? A présent je veux être un des ces types qui sautent de plus de dix mètres de haut. Qui font des figures en l’air avant d’entrer tout doucement dans l’eau. Je viens là tous les jours. Je m’entraîne. J’apprends des autres. En observant que je progresse très vite. Nous sommes cinq ou six. Il y a trois filles. Mes sauts épatent tout le monde. Il m’arrive parfois de faire des choses qui me permettent de me distinguer. Je sais que plaire parce qu’on saute comme ça c’est superficiel. J’aimerai être applaudi pour autre chose. Mais qui aujourd’hui s’intéresse à la douceur ou la sensibilité de quelqu’un ? Il est mieux de passer à la télé et de passer au fil du sabre ses invités. Ou porter tel parfum.

Je regarde depuis trente minutes. Dans les sauteurs seuls un ou deux ont une parfaite maîtrise. J’observe la figure qui me semble la plus perfectionner. Depuis le début je veux savoir faire celle là, il n’y a pas eu un jour où j’ai perdu cela de vu : je veux maîtriser celle-ci. La graal. Je me sens prêt. Je médite. Comme toujours avant. Je me concentre. Comme avant une longue descente en apnée. Je suis au dessus de l’eau. Je ne connais pas encore le danger. Je n’y ai jamais réfléchi. Je saute. Et pour le première fois je comprends mon inconscience. Je n’avais jamais vu le danger. Je descends. Je panique. Oui je peux sacrément me faire mal. J’en oublie les gestes élémentaires. Je suis en train de me rendre compte du danger que je cours. Mais incapable d’y parer. J’attends la chute. Je n’entends plus rien. Je ne sens plus rien. Je suis sous l’eau. Je ne peux rien faire, rien bouger. Seul l’air de mes poumons m’aide à remonter. Je ne peux pas bouger. Je ne comprends rien à ce qui m’arrive. Je sens qu’on me tire vers le bord. Un type que je ne connais pas m’hurle de bouger mes doigts de pieds. Un autre dit qu’il ne faut pas me bouger. J’obéis. Tout le monde sourit. Il parait que je ne suis pas passé loin. Je souris. Tout le monde est gentil avec moi. On me parle doucement. On est plein d’attention pour moi. On me dit que j’ai eu une chance incroyable. Je ne comprends qu’un peu plus tard que j’aurai pu ne plus jamais marcher. Dans les jours qui suivent mon dos passent par toutes les couleurs imaginables. Comme si j’avais sauté de plusieurs étages pour m’écraser sur du béton.



De temps en temps j’aime me rappeler de ces fois où j’ai frôlé un autre chemin. Ou tout aurait pu s’arrêter. Cela m’aide à me rappeler que demain je peux mourir. Mais que malgré tout je suis toujours en vie. Que je suis là, que c’est une chance. Je sors alors de la grisaille. Une plume sortie de l’oreiller peut me faire sourire pour la journée. Tout est plutôt formidable. Je n’ai plus besoin de m’agiter pour me sentir vivant, je le suis.



Je prends mon pantalon pour m’habiller. Je ne fais pas trop gaffe. Des pièces de monnaies se rependent partout par terre. Ma mère a raison. Pourquoi ne me suis-je jamais acheté un porte monnaie ?

 

 



Ecrit par Wandess, le Mardi 2 Décembre 2003, 16:03 dans la rubrique "Ecrits de la vie...".