Il fait gris au dehors. J’ouvre les volets, et je laisse les fenêtres grandes ouvertes pour aérer un peu la pièce. L’air est chargé. Une bonne dizaine de clopes à vicié tout cela, et un double steack haché mangé vers minuit en regardant Prime Della Rivoluzione de Bertolucci. Un truc qui m’a fait mal aux yeux. A cause des sous-titre en blanc. Un truc à s’arracher les cheveux pour les lire. J’aurai du apprendre l’italien, ça aurait été drôlement plus pratique.
Il fait gris.
Je grille des pains au lait. Je fais des efforts pour avoir envi de prendre un petit déjeuner tous les matins. Mais je les mange sans conviction. Sans plaisir. Après le premier je me décide à ouvrir un vieux Nouvel Obs. Tant pis pour mes yeux. Je vais finir comme Jean-Edern Hallier, je le sens bien. On me refilera des lentilles avant de me déclarer totalement aveugles. Je me ferai chier avec mes lentilles comme tous mes amis qui en ont. De temps à autre j’en aurais une qui se barrera de mon œil, comme le fait couramment Lolita, après on la cherchera sur la moquette. Je serai gêné. Je répéterai mille fois merci. Si c’est une fille pour me faire pardonner de tout ce temps perdu, pour la remercier de m’avoir rendu la vue sur les deux yeux, je me laisserai embrasser. Je ferai comme Lolita. J’aurai quinze flacons dans ma salle de bain pour tout nettoyer matin et soir, je devrai aller à Conformama me payer une plus grande armoire de toilette pour que ça ne fasse pas désordre. Quand je ne verrai plus rien, peut-être qu’on me mettra à la retraite avant d’avoir fait mes quarante anuités. Je me ferai chier chez moi. Je paierai une étudiante pour qu’elle vienne me fasse la lecture. Elle en aurait marre de me lire tout le temps Philippe Djian, alors elle finirait par fermer le livre et inventer. Elle finirait par écrire tout cela à l’avance. Elle décrocherait le Goncourt comme je m’en étais toujours douté. Le Goncourt couronne des livres écrit pour des gens qui ne savent pas lire.
Avant qu’elle ne parte à chaque fois je lui toucherais les fesses en faisant semblant de ne pas en faire exprès. Elle rirait. Un jour elle se ferait larguée. Elle cèderait à ses instincts animaux, elle me le dirait ainsi après le coït. Du coup elle reviendrait chaque jour et elle ne me ferait plus la lecture. Je me mettrais à écouter encore davantage France Culture. Je verrais encore de simples ombres. Mais pour être sûr de pouvoir traverser sans problème, pour me faciliter la vie, je prendrai un chien. Chez moi ça se mettrait à puer le Canigou, et je finirai par sauter par la fenêtre pour que tout cela s’arrête.
Je tourne les pages du Nouvel Obs, en attendant je vois encore très bien.
à 20:47