Par pur méchanceté... Parce que ça s'écrit
Lorsque j’ai appris que j’avais obtenu ma mutation je n’en suis pas revenu. Je suis resté à fumer une bonne heure, les yeux ébahis. Il y en a qui attendent trois ans, voir plus, pour obtenir un changement de département. La contrepartie d’avoir la sécurité de l’emploi sans doute, on ne bouge pas comme ça sur un coup de tête. Il y a des familles séparées de longues années, des enfants qui grandissent sans leur papa ou leur maman, pas parce qu’il est parti, mais parce qu’il est retenu ailleurs pas l’éducation nationale. J’en ai croisé pas mal d’histoire comme celle-là. Séparés pour raisons administratives. Alors, moi, avec mon pauvre dossier pour partir dans la Vienne, je ne pensais pas avoir la moindre chance. Mais voilà, la vie en a décidé autrement, un sacré coup de dés. Je bouge. Et me voilà désormais à attendre où je serais dans le département, près de Poitiers ou non… Je n’ai plus de logement, j’attends chez mes parents. J’attends la rentrée.
A Poitiers j’espère une vie moins pressée qu’en région parisienne. J’avoue que je bouge avant tout pour des questions de loyer. Pourquoi payer si cher pour ce qui existe ailleurs pour trois fois rien ? Paris c’est beau. Paris c’est grand. Paris c’est le centre d’un univers et c’est vrai. Mais je n’ai pas les moyens d’aller au théâtre, d’aller au resto, payer ensuite le taxi et le train, aller dans les salles d’art et d’essaie me faire de petits plaisirs au cinéma. Paris est une ville chère pour ce qu’elle est. Bientôt elle n’aura plus que des bobos autour d’elle, des bourgeois friqués que plus personne n’ose appeler par ce nom, des petits fils à papa, des mères poules avec leur rançon du divorce… Bref, le zoo humain. « Chassez-moi cette plèbe des murs de la ville… ! » Et de fait ça marche. Paris reste si attrayante que des types se bouffent tous les jours la gueule pour avoir un plus gros morceau de bifteck afin d’accroitre le nombre de mètre carré de leur appart. Paris tendance. Paris branchée. Le général de Gaulle parlait de Paris libérée. Comme Alain Souchon je trouve que Paris est envahie, envahie par « des marchands malappris qui viennent vendre leurs habits en librairie ». Habille toi bien et sort dans Paris, apprend trois quatre sitation, et ça y est avec du blé c’est bon tu peux croire que tu fais parti de ces intellectuels qui ont fait ce Paris de carte postale.
Alors oui j’ai choisi une autre vie. Je ne gagnerai jamais assez pour profiter ne serait-ce que des petits délices de la capitale. Ailleurs je peux beaucoup. A Poitiers je pourrais de nouveau sortir, et en comptant moins. Retrouver le plaisir de profiter d’un spectacle sans avoir à obliquer l’autre œil sur le prix de la place, le prix du billet de train… Le prix de la vie.
Sans compter que je veux vivre loin de tout cela. Loin du bruit, loin de la pollution, loin de ce monde qui se gargarise et s’agite, loin de ma télévision, loin du bruit des avions, loin des soubresauts du métro, loin des vaches qui s’habillent chez Machine, et des bœufs qui se sapent chez Untel...
Ah bonheurs de la Province attendez moi ! Beaufs qui mettent des pots Ninja sur leurs mobylettes me voilà ! Crétins décérébrés qui pratiquaient le tuning apprenez moi votre art !
Je ne suis pas encore parti que déjà je savoure la longue attente, derrière un tracteur, sur une départementale sinueuse, afin de pourvoir le dépasser…
Une chose est sûre, si la gueule du conducteur ne me revient pas, contrairement au type dans sa BMW, je suis certain de ne pas être tenté de lui emboutir sa poubelle…
Ah ! Vivement les joies de la Province ! Déjà je me redeviens moi-même.