J’ai longtemps hésité ma chère, entre la prose et les vers. Les verres je les bois pour noyer mon chagrin, j’utiliserai donc la prose ma tendre, cette prose que tu connais si bien et que tu as eu le courage d’imprimer tant et si bien, sans répits certains jours, en faisant de ton mieux pour mettre en valeur mes mots souvent laborieux.
Ah je me souviens de ces nuits sans sommeils passées ensembles… Te souviens-tu d’où tu es ? Je suis certain que tu en gardes un certains souvenirs. Peut-être passera-t-il un jour pour toi, mais foi d’humain je te promets de m’en rappeler pour deux, et de toujours tendrement bénir ce matin où courageusement, des râles sortant de tes entrailles, tu sorti mon mémoire de maîtrise, coûte que coûte, vaille que vaille, afin que nous tenions ensemble les délais.
Te rappelles-tu ma belle de ce voyage à Agua Amargua que tu imprimas, de la libération que tu m’offris en sortant impeccable ce texte qui me permit d’enfin tourner la page sur la divine Marion ? Te rappelles-tu de ses courses le samedi où je partais, te laissant seule, pour aller cueillir dans la fraîcheur de cette grande surface bigarrée, de quoi te rendre ta raison de vivre, c'est-à-dire imprimer. Imprimer mes textes, imprimer Martin Page, imprimer Mademoiselle Lou, Lolita, Samuel ou Perceval. Il est possible que j’en oublie.
Certes j’entendais parfois tes cris, lorsque, l’âge venant, tes mécanismes venaient à dérailler. Je cachais ma colère, je te savais honteuse de ne pouvoir toujours imprimer correctement. Avec le temps je pris mon mal en patience et m’habitua à voir ces fines lignes blanches que la vieillerie te faisait mettre sur mes pages.
Oui, nous avons eu nos moments de colère comme nos moments de bonheur. Je m’en veux de t’avoir parfois frappé, mordu, insultée… Je ne savais pas voir qui tu étais. Nous avons toujours eu quelques problèmes de communications, mais cela ne nous a jamais empêché de nous aimer. Mais j’ai vu des hommes tromper leur femme, des chiens quitter leur maître ou les mordre jusqu’au sang… A ceux qui me diront que tu n’es qu’une imprimante je répondrai : « Elle ne m’a jamais laissé tomber. Il y avait en elle bien plus de tendresse que dans n’importe quel être humain, une grande capacité d’écoute, bien que nous n’ayons jamais parlé le même langage…. Comme quoi la langue n’est pas un obstacle ».
Je te regarde une dernière fois. Tu me fais penser comme toujours à mon enfance, à cette côte normande parsemée de blockhaus. C’est beau un blockhaus. Ma chère, je ne te l’ai jamais dit. Tu es belle comme un blockhaus. Non, je te le promets, je te rangerai à la cave, je ne cèderai pas ta dépouille sacrée au camion des poubelles. Tu as toujours été une amie fidèle, je me refuse à t’envoyer en Chine pour un dernier voyage où ces sauvages te dépiauteront. Je suis civilisé, je vais t’embaumer dans ton carton d’origine. Je l’ai en effet retrouvé. Que ta carcasse repose en paix !!! Amen.
PS : Si tu es au paradis des engins informatiques, salue pour moi le ZX 81 ainsi que le MO5 et l’IBM Thinkpad… Présente toi à eux de ma part, je suis sûr que vous allez devenir de très bons amis.
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