Moi j’arrive, tout content de moi. Je l’ai cherché mon bouquin. D’abord j’ai même payé la carte de la bibliothèque. Ils appellent ça une médiathèque eux. A cause des deux ordinateurs connectés à internet et qui se battent en duel sans doute. Alors dans leur bibliothèque, il n’y a pas de CD, pas de vidéo, pas de DVD, et en plus on paie. Comme quoi c’est bien de pas toujours vivre au même endroit, on découvre d’autre mœurs…
Donc j’ai payé 16 euros ma carte. Bon, c’est pour un an, et puis ça me vaudra encore un coup de fil de mon banquier. Il est conciliant mon banquier, il bosse pour Pébereau, mais bon il faut savoir dépasser les apparences. On va voir si j’avais raison de le trouver sympa.
Avec ma carte de bibliothèque toute neuve, j’ai fait le tour des étagères. Objectif, trouver une lecture suivie intéressante et motivante pour les gosses… et pour moi. J’arrête finalement mon choix, difficilement (il y a tellement de choix), sur un livre de contes et légendes pour les enfants, sur la naissance de Rome. D’après Denys d’Halicarnasse s’il vous plait !!! Pas n’importe quoi donc. Moi je fais mon fier.
_ Alors, tu as choisi quoi ? il me demande.
Lui, son truc, c’est les crucheries. Les crucheries, c’est comme ça que j’appelle les trucs complètement cruches qu’on fait lire aux enfants parce qu’on a oublié qu’à leur âge on se sentait pris pour des cons lorsqu’on nous faisait lire cela. Les crucheries, en gros, c’est avec ça qu’on vous dégoûte de la lecture. Si on poursuit mon raisonnement, c’est aussi avec ça qu’on fait croire que toutes les lectures se valent. Bref, ça peut vous niquer toute une génération.
Il me prend le livre des mains, il relie plusieurs fois la couverture. Enfin il pose son regard d’aîné sur moi. A sa tête, c’est comme s’il disait « Je crois que ça va pas être possible ». Mais je ne me laisse pas démonter. Je sais que ça va prendre. Parce que je suis comme ça, avec moi ça prend toujours. Je suis un conteur moi, je suis un balaise quand il s’agit de raconter des histoires, avec moi les gosses ils se mettent à aimer lire. Evidemment lui, et c’est pas de sa faute, il le sait pas encore. Il sait pas encore que d’ici peu mes élèves seront tous des Romains. Ah ah ! Eh oui, des Romains !
J’argumente : mon bouquin, si je leur fait pas lire, il en entendront à peine parler de cela, mais ça les motivera pour l’histoire, or sans histoire on est sans passé, on passe à côté d’une richesse. Mon bouquin, il y a de l’aventure. Mon livre, il y a des trahisons, de l’ambition, de la méchanceté, de la pureté, de l’héroïsme, de l’amour…. Bref, ce qui plait aux enfants. Rome est un des berceaux de notre civilisation. Rome c’est l’histoire commune de la Méditerranée. Je présente mes personnages, il est quand même sympa, il est intéressé par ce que je dis. Je parle de Procas roi d’Albe, ses deux fils, Numitor le sympa, Amulius le méchant, la belle Rhéa Silvia d’Albe et son amour interdit avec le Dieu Mars… Leurs enfants, Remus et Romulus. Une dimension dramatique incroyable lie toute cette histoire, il y a la beauté d’un incroyable mythe fondateur. Il me semble avoir réussi à le convaincre de la pertinence de mon choix. Mais soudainement il m’arrête et dit : « Mais tout le monde s’en fout des Romains ! ».
Justement, c’est bien ce qui va changer !
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à 19:58