Elle est un peu plus jeune. Elle joue les Lolita. Il fait mine de s’y être habitué, et passe sur les faux, ou les vrais, comment savoir, coups de fils qu’elle va passer dans les toilettes. Des hommes soit disant à ses pieds, qui ne désirent rien de plus au monde que dégrafer son soutien gorge et admirer ses seins. Elle a toujours une anecdote croustillante sur ses cours de droits, et souvent un mec vient se mettre près d’elle et le drague avec la langue pendante. Elle n’aime pas la notoriété. Elle déteste les gens qui n’ont pas d’ambition. Son rêve dans la vie est de beaucoup voyager. L’horreur serait de mourir aussi conne que ses parents. Ou mariée comme sa mère. Ou seule comme sa tante Brigitte qui a divorcé d’un type pourtant très bien. Un kiné.
Anaïs a de grands yeux bruns. Du vernis sur les ongles, et des trucs de couleur autour des yeux. Il paraît qu’aujourd’hui à la fac tous les mecs trouvent ça sexy. Qu’un mec qui n’aime pas les strings a sans doute des trucs pas clairs dans sa tête. Anaïs est de cette avis. Sans doute n’a-t-elle jamais été un homme, bien qu’elle sache tout d’eux, bien qu’elle en ai eu plus de cent. Anaïs prétend mieux connaître les hommes qu’ils ne se connaissent eux même. Anaïs n’a jamais été un homme, mais contre toute attente elle ne semble pas l’admettre, rien n’est plus facile que de se mettre à leur place parait-il. « Les romanciers vous ont grillé » dit-elle en rigolant. « Et s’il n’avait dit que ce qu’il leur plait de faire croire ? » je me permets de suggérer. Suggestion rejetée. Je me prends à rêver, rêver qu’Anaïs soit un homme une journée, qu’elle désire une femme, mais qu’au moment de la déshabiller elle découvre son cul tout flasque recouvrant tout l’arrière du string. Est-ce qu’un homme qui a encore envi de rentrer là-dedans reste un homme ? Certains, plus mauvaise langue que moi donneraient une réponse cruelle « va faire la vaisselle, et rhabille toi ! ». Il faut savoir le monde qu’on choisi.
Mais personne ne dis jamais rien à Anaïs. Moi j’ai déjà bossé toute la semaine avec des gamins auxquels il a fallu rappeler qu’à leur âge on ne fait pas la loi, qu’on ne décide pas pour les autres, que ce qu’on pense n’est pas un vérité absolue à tout les coups. M’occuper d’adolescentes ne me fait pas bander. D’autant que ce n’est pas moi qui la baise. Je la regarde remettre ses cheveux bruns derrière les oreilles, elle se lève, juge que Bénabar c’est de la merde, et met un CD de r’n’b.
« Il te faudrait une fille comme moi ! » affirme-t-elle plus tard, comme on assène une vérité. « Oui, continue-t-elle, une fille qui te bouge, qui t’empêche de t’encroûter comme un vieux Papi ! … Décidément Nico a eu de la chance de m’avoir. Pas vrai mon chéri ? Tu aimes bien quand je te fais faire un peu de sport non ?» Dire « non merci » ou ne pas dire « non merci », telle est une nouvelle fois la question que je me pose… Mais je le pense si fort.
Anaïs fantasme sur Christophe Miossec. « Elle trouve ça drôle. Alors elle rit ». Nico « rit aussi ». Mais lui « c’est les nerfs ». Que ne ferait-elle pas pour le rendre jaloux ?
Nico se rassure. C’est de l’âge d’Anaïs ce genre de mouille dans le string. Anaïs a toujours réponse à tout. Elle sait mieux que Nico, lui il ne lit pas Biba, il ne lit pas Elle. C’est de son âge aussi. Anaïs est en plein dans l’âge « je sais tout ». Normalement c’est plutôt chez un individu de dix ans qu’on trouve ce genre de comportement. Mais maintenant à dix ans c’est pour les pères, à dix-huit ans c’est pour les amants. Que ferait le père d’Anaïs sans Nico ? Que ferait Nico sans Anaïs ? Sans doute rien de grave. Qui sait, peut-être retrouverait-il enfin ses vingt ans...
à 02:51