>
Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)
 Ecrits de la vie...   Fiction   Les aventures de Paul-Henri   Nouvelles   Z 

mise en page par Génie

Précédent - Suivant
Déballage en cuisine

Elle m’avait toujours vu arriver comme un bandit. Un voleur. Un type qui venait lui voler sa fille. Elle avait soigneusement préparé son exécution, elle semblait avoir tout prévu. Solenne était là, ses amis et les miens discutaient et rigolaient dehors sur la terrasse à l’ombre d’un parasol. La mère s’était arrangée pour que nous ne soyons que tous les trois, sans doute un peu à la manière de ces scènes palpitantes où tout ce règle à l’intérieur des téléfilms. D’une certaine façon je ne l’avais pas vue venir, mais connaissant l’animal, je m’étais préparé à tout en me rendant chez Solenne. On peut avoir vingt ans et posséder une sérieuse expérience de la vie, le tout est seulement d’avoir su ouvrir les yeux au bon moment. Notre monde n’est pas si compliqué que cela à comprendre. Il est même assez simple lorsque l’on se donne les moyens de s’en rendre compte, mais bien sûr cela nécessite de ne pas s’arrêter en court de chemin par angoisse.

 

Elle n'était pas encore partie. Souriante, inspéctant ses rosiers, elle avait juste demandé deavnt tout le monde, accroupie sur l'un d'eux,  si c’était normal que Solenne soit toute seule aux fourneaux. Un silence amusé avait suiv cette question. Je m’étais alors levé pour ne pas lui donner raison. Personne d’autre n’avait osé se porter volontaire, dans l’ensemble la plupart des personnes savent comprendre lorsque deux amoureux veulent se retrouver seuls. En l’occurrence cuisiner avec Solenne, faire toutes sortes de choses avec Solenne, me passionnait autant que de lui faire l’amour. Tenir des casseroles, surveiller le feu, tenir une spatule, aller dans le même sens avec une fille, pour aboutir à une réalisation commune, j’ai toujours pensé que c’était aussi cela être deux.

Nous ne sommes pas restés longtemps à nous embraser devant les pommes de terres qu’elle surveillait, sa mère veillait sur elle de près, elle a fait irruption dans la cuisine, et constaté que je n’avais même pas été capable d’ouvrir la boîte de haricots verts. Je ne me rappelle plus exactement ce que j’ai dit, mais elle m’a répondu qu’on disait « des haricots et non pas des zaricots ».  Solenne a rigolé dans mon dos, tandis qu’en remontant mes manches, j’ai pris des mains de sa mère l’ouvre boîte qu’elle venait de démonter en tentant de s’attaquer à la boîte en métal.

_ Voilà, ai-je fait, il est réparé !

_ Bien, alors peut-être allez-vous aussi m’apprendre à ouvrir la boîte…

Dans son coin de la cuisine Solenne était devenu subitement toute petite. Il n’y avait plus que moi et la mère dans la pièce, mais il était hors de question que je me laisse faire. J’ai ouvert cette maudite boîte en deux temps trois mouvements, fallait pas déconner non plus, j’étais pas là pour amuser la galerie.

_ Quelle rapidité, a fait la génitrice de mon amour, vous êtes donc bien capables de vous réveiller. Ma fille a bien de la chance… Elle a un homme qui sait ouvrir des conserves !

_ Vous avez une poêle ? ai-je demandé.

_ Oui pourquoi, vous n’en avez pas chez vous ?

Si un jour je devais être avec une femme de quarante ans, me suis-je dit à cet instant là, je veux que ce soit elle et pas une autre. Elle m’a montré du doigt l’endroit où elle entreposait ses poêles. Je suis allé me servir, et l’ignorant superbement j’ai mis les haricots à chauffer sur le feu.

_ Je vais être franche, a alors sorti la mère, je considère que vous faites du mal à ma fille, que vous nuisez à son développement. Elle n’a pas besoin dans sa vie de perdre son temps avec un homme tel que vous. Vous avez deux ans de plus qu’elle et je ne vois pas ce que vous pouvez lui apporter.

J’ai cherché Solenne du regard. Inutile, elle était absente. Comme si on venait de lui planter un poignard dans le dos, comme si elle avait eu trois ans. Comme si elle avait voulu ne rien entendre. Ou qu’elle avait déjà tout entendu.

_ Qu’avez-vous à lui proposer ? continua la sorcière. Une vie de fonctionnaire ? Je ne me trompe pas non, vous voulez bien être enseignant ? Alors, sincèrement croyez-vous que ma fille pourra se contenter de cette vie là, de cette petite vie ?

On a beau s’attendre à tout, il est des choses qu’on a du mal à concevoir. J’ai répondu sans conviction. Que répondre à une personne comme ça ? Pouvais-je lui dire à quel point son raisonnement était méprisable ?

_ Je ne trouve pas que ce soit un petite vie. Et puis je n’ai que vingt ans, rien ne me dit encore que je choisirai l’enseignement. Peut-être aurais-je le temps de changer d’avis.

Elle m’a regardé, satisfaite, elle avait le sentiment d’avoir marqué un point. Mais elle se trompait.

_ Voilà ce que je vous reproche, à t’elle lancé. Votre instabilité ! Votre manque d’ambition ! Aujourd’hui vous dites aimer ma fille, mais peut-être que demain vous allez changer d’avis, et alors vous la larguerez comme une vieille chaussette usée, après bien sûr, lui avoir détruit le cœur ! Or cela je ne peux l’accepter. Pour l’instant elle ne se rend pas encore compte de la personne que vous êtes, mais croyez moi, je continuerai à tout faire pour lui ouvrir les yeux. Regardez moi bien : je suis votre ennemi. Je ne vous laisserai jamais tranquilles tous les deux.

Je suis allé surveiller les haricots, la mère s’est allumée une clope. Je ne sais pas pourquoi je me le suis permis, mais j’ai pris son paquet qu’elle avait posé sur la table en chêne, et me suis servi. « Je vous la rendrai, ai-je dit, la clope… Je vous la rendrai ». Elle en fut déstabilisée, pour elle c’était de la provocation de ma part. Elle voyait juste.

_ Ma fille c’est mon trésor, a-t-elle dit, mon bijoux, je ne laisserai jamais personne lui faire de mal…

_ Personne ici n’a l’intention de lui faire du mal.

_ Vous ne l’aimez pas !

_ Oh si ! Même plus que vous ne l’imaginez, ça se voit bien. Mais je l’aime différemment de vous c’est sûr. Elle est aussi mon trésor, le plus beau de mes trésors, peut-être même le seul.

_ A cause de vous elle pleure. Osez la regarder derrière vous !

_ Vous croyez que cela a de quoi la faire sourire la discussion que nous avons ?

_ Décidément vous êtes fort ! Encore une fois vous êtes le bon, et moi la méchante !

_ J’en suis désolé, mais je crois que si nous l’aimons tous les deux, et si elle nous aime tous les deux, il est normal qu’elle attende de nous que nous nous entendions plutôt que de nous entendre nous parler comme cela…

Elle sourit, d’un air cynique, presque mauvais. Sur le visage de cette femme cela fait presque peur, cela ressemble à une forme de folie, elle est sans doute plus habitué à la dignité, à la retenue, à avoir le dessus sur tous les êtres et toues les choses. Mais je suis comme un mur, elle rage, elle se heurte à moi. Elle devait s’imaginer qu’elle me ferait voler en éclat en deux phrases comme avant, comme tous les mecs qu’elle avait vu avec Solenne. Peut-être s’imaginait-elle jusque là que ma passivité ou mon calme était la marque d’un flan. Elle s’était fichu le doigt dans l’œil, elle commençait à s’en apercevoir, elle était pas assez préparé, elle perdait son calme. Bien que souvent silencieux devant elle jusque là, elle découvrait qu’au grand jeu des phrases je pouvais la surpasser. Comment pouvait-elle l’accepter ?

_ J’ai vu que vous peigniez, a-t-elle observé en changeant de jambe.

_ Oui un peu.

_ Et vous osez offrir des choses aussi laides à ma fille ?

Là je n’ai pas eu le temps de répondre. Solenne semblait avoir été remontée d’un coup. Sur le moment j’ai même eu peur qu’elle se soit fichu les doigts dans une prise de courant.

_ Moi ça me plait ! a-t-elle prononcé.

La mère a rigolé d’un air méchant. « Tu n’aime pas cela, a-t-elle répondu, tu ne vois pas, tu es aveuglée par ce garçon ? ». Solenne s’est approchée. La spatule à la main. « Tu n’as jamais rien compris à l’art » a-t-elle sèchement répliqué.

_ Mais oui bien sûr ma fille ! Toi tu y comprends tout !

_ Oui. L’amour ce n’est pas une chose que tu connais non plus. Tu te méfies de tout le monde toi. De tout le monde. Même de moi. J’ai dix-huit ans et j’exige que tu t’excuses auprès d’Alex.

_ Tu rêves un peu ma fille.

_ Je ne suis plus ta fille !

Parfois il m’arrive de rêver d’être très loin d’ici. Je suis sorti, c’était leurs affaires de famille, je connaissais assez Solenne pour savoir qu’elle préférait que je n’assiste pas à cela. J’ai croisé le père dans le couloir, il m’a regardé d’un air désolé et m’a tendu la main. J’ignorai qu’il était là, endimanché à souhait, cravate nouée autour du cou. Nous ne nous sommes rien dit. J’ai compris. Alors que je me dirigeait vers la lumière, rejoignant les autres sur la terrasse, il devait entrer dans la cuisine, j’entendis sa voix grave, claire, déclarant que c’était fini, que c’était l’heure de partir pour le théâtre. Je me suis assis sur une des chaises de jardin. Les autres discutaient, rigolaient comme si de rien n’était. Je n’en ai parlé à personne, ça ne regardait que moi, Solenne, et ses parents. J’ai pris part à la discussion pour ne rien laisser paraître. Solenne est venue me rejoindre quelques instants plus tard, les yeux encore rouges. Elle a déclaré que les oignons étaient une véritable malédiction.

_ Utilise un masque et un tuba la prochaine fois ! a suggéré Richard.

Elle m’a embrassé et a murmuré ces mots au creux de mon oreille : « Voilà, tu fais parti de la famille à présent ». Je lui ai rendu son baiser. « Cool » ai-je répondu.

_ Normalement elle viendra s’excuser. Je l’ai exigé d’elle, elle m’a promis qu’elle le ferait.

 

Je suis retourné dans la cuisine. Il n’y avait plus personne. J’ai rallumé le feu sous les haricots. J’ai pris une autre clope dans le paquet de la mère. J’ignore comment je l’ai su à cet instant. Alors que même Solenne ne s’en doutait pas encore. J’ai ouvert le fenêtre, allumé cette cigarette, et j’ai su que quelque chose avait changé. Que Solenne attendait un bébé. Lorsque je l’ai sentie se serrer dans mon dos je ne lui ai pas faire part de cette impression. On avait déjà eu notre compte pour la journée. J’ai écouté sa respiration.

 

 

 

Toutes les autres nouvelles du site

 

Auteur : Wandess

Te regretter…

Sur le sable exactement

Un instant à nous pour toujours

Sarah épongeant mon front, soignant ma cheville meurtrie

 

Auteur : Lou

L’espace du dedans

Les derniers jours d’un pot de Nutella

Le syndrome de l’homme à la cigarette

 

 

Auteur : Amédé Potiron-Danzasoupe

Où Paul-Henri mange trop de chocolat

Où Paul-Henri est dans un métro où il fait chaud

Où Paul-Henri veut s’inscrire à l’université et est bien étonné

Là où Paul-Henri va avec des « amis » en boîte de nuit

 

Ecrit par , le Mardi 30 Septembre 2003, 14:55 dans la rubrique "Nouvelles".