Tout c’était passé normalement. Dans le miroir j’étais elle et j’avais du mal à y croire. Je voyais mon image, mais c’était celle d’une autre. Je grimaçais et ça bougeait. Elle était moi. Guillaume s’appelait désormais Lydie et Lydie s'appelait Guillaume. Je mesurais environ un mètre soixante-cinq et je me sentais très petit. Elle m’a répondu qu’effectivement ses chaussures était un peu petites, je n'ai pas vu le rapprochement. J’ai vérifié que tout était en place, elle en a fait de même. Elle a regardé ce que j’avais au fond de mes poches.
_ Tu me prêtes aussi ta voiture ? elle m’a demandé en me montrant mes clés.
Guillaume était tout sourire. Malgré son visage féminin je reconnaissais un peu sa façon d’être toujours satisfait de lui. Rien ne semblait bouleversé en fait. Je voyais le monde de plus bas, j’avais une poitrine, mais en réalité rien ne paraissait avoir changé. D’une certaine manière, une fois passé l’étonnement du premier instant, celui du réveil, j’étais un peu sur ma fin. Il semblait ne rien y avoir de formidable à devenir une fille. J’ai songé au fait que je ne pouvais plus conduire et c’est la première chose qui m’est apparue désagréable.
Plus tard nous nous sommes retrouvés en boîte. Et là ce fut encore pire. Chloé était là. Elle est d’abord venue vers nous le visage grimaçant. Sauf que ce n’est pas à moi qu’elle est venue parler.
_ Sympa ! elle a dit. Tu me racontes que tu es pris et je te retrouve là ! C’est qui ces filles ?
_ Lydie, a fait mon moi physique, et ça, c’est Sarah sa petite sœur. Je savais que tu serais là, ça me fait plaisir.
Elle a arrangé ça en deux phrases, j’ai été soufflé. Chloé était maintenant, devant elle, tout à fait remise à sa place, rassurée. Je n’aurais pas fait mieux. Elle a emmené Chloé danser, Chloé nous a dit à tout à l’heure. J’ai eu le mauvais sentiment de m’être fait doublé. On est allé boire et je ne me suis pas gêné. Je commençais à me demander si j’allais tenir trois jours quand je me suis fait accosté par un mec. Il n’a pas semblé prendre en compte mes protestations et j’ai fini par le suivre sur la piste de danse. Il me détaillait de haut en bas par moment, je voyais un peu l’effet que l’autre devait faire au quotidien. Sinon le type n’arrêtait pas de plonger ses yeux dans les miens et je ne savais plus où me mettre. Lorsque je le regardais j’avais l’impression de me faire draguer par un homosexuel. En même temps je ne voulais pas paraître désagréable, mais je ne voulais pas qu’il s’imagine des trucs. Dans une partie de mon cerveau j’avais l’impression de jouer avec des allumettes, j’avais la trouille de me brûler mais je ne me privais pas. Il fallait jouer serré, je ne pouvais pas me voir, je n’avais pas la certitude que mon identité réelle soit vraiment si bien cachée. N’importe quel geste me semblait capable de me trahir. Il me fallait des efforts de concentration incroyable pour m’approprier ce corps, être entièrement fille. Je devais aller puiser tout au fond de moi, pour éveiller une sorte de partie féminine de ma personne.
Le mec m’a repayé un verre un peu plus tard. Il m’a dit qu’il trouvait mes yeux magnifiques. Dans un sens je leur avais peut-être fait un truc. Mais peut-être qu’il racontait tout simplement cela à toutes les filles. Je l’ai laissé continuer, tout en souriant de la façon la plus coquine possible, mais en me contrôlant pour ne pas en faire trop. Il s’est penché à mon oreille, j’ai tremblé.
_ Tu es en train de m’allumer ou quoi ? a-t-il murmuré.
J’ai fait comme j’avais vu faire, j’ai fait ma coquine, j’ai balancé légèrement mes épaules et mon fessier puis j’ai remis avec un doigt mes cheveux derrières mes oreilles. Sarah avait les cheveux brun, coupés au carré. Personnellement les filles coiffées comme cela m’avait toujours plus. J’avais envie de voir ce que cela faisait. J’ai lâché ma paille qui était entre mes lèvres et je l’ai regardé droit dans les yeux.
_ Tu m’offres une cigarette, je me suis entendu dire d’une voix alanguie.
Il a ouvert son paquet, en a sortie une à moitié en la faisant glisser avec son pouce et il a avancé sa main vers ma bouche. Directement du paquet aux lèvres. Puis il me l’a allumée. J’avais de petites mains et des doigts tous fins. Tenir une cigarette comme ça me filait des rougeurs.
_ Tu n’as pas répondu à ma question, m’a-t-il fait observer.
_ Quelle question ? me suis-je amusé.
Il s’est de nouveau penché à mon oreille.
_ Tu crois que j’ai raison de m’imaginer des choses ? il a glissé.
_ Bonne question, ai-je dit en balançant mes pieds. Tout le monde se la pose…
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à 20:03