L’envie de sortir ne s’était pas manifestée jusque là en ce premier jour de vacance. Il me fallut attendre de ne plus avoir une seule clope sous la main pour me décider à me rendre dans le froid. Sous un ciel gris, alors que la nuit commençait juste à tomber. Depuis que j’ai remis la main sur mon vieux manteau vert en velours, un modèle doté d’une capuche, et râpé de partout, je ne sors plus sans lui. Il me va très bien, j’irai m’emmerder à trouver un truc neuf le jour où j’aurai complètement flingué celui-là. Le neuf ne m’habille pas. Il n’a pas d’âme. Il n’a pas d’odeur.
Angélique est derrière le comptoir lorsque j’entre. Angélique, depuis que je la connais, a toujours travaillé derrière un comptoir, toujours dans un bar tabac. Elle a une voix plutôt grave, elle est blonde, très jolie, mais elle n’a jamais joué à se maquiller, ni à paraître une femme. Elle est pourtant féminine. Mais à sa façon. Elle vend des clopes, des bières et des petits rouges. Je lui achète une cartouche. Lui commande un demi.
Elle vend aussi des tickets de la Française de Jeux, enregistre les numéro de Loto, et les arrivé dans la cinquième à Longchamp. Mais je ne passe pas par cette case là. Angélique c’est ça vie depuis qu’elle a eu son bac en poche. Elle voulait rien foutre. Elle a fait ça. Elle n’a pas l’air de s’en plaindre. Elle aimerait juste avoir son bar tabac à elle. On s’est connu lorsque j’entrais en fac. Lorsqu’elle a commencé à sortir avec Arnaud. Des bars où elle a bossé ce n’est pas le premier où je me rends, mais c’est le premier à se trouver à cinq cent mètres de chez moi. Et le premier où je vais de temps à autre passer l’ennui. J’observe les clients du PMU, je leur trouve plus de charme que les clients branchouillards-bourgeois des bars dit à thème, irlandais, créoles ou bruxellois. De temps à autre je parle de l’augmentation du prix du tabac avec un usagé. L’un d’eux tenta une fois en vain de me donner les ficelles pour jouer au turf. Il m’est arrivé de regarder le trot attelé dans le poste au moment où la course est lancée par terrain gras, soutenant la casaque verte de Machin. Je préfère toujours ça au foot.
Angélique bouge derrière le comptoir. Il ne fait pas chaud, elle a toujours sa doudoune beige sans manche, cette dernière doit bien être aussi vieille que mon manteau, mais cela ce voit nettement moins. Parfois un client l’interpelle. « Un rouge Angélique », « Je l’ai encore dans le baba Angélique… Remet moi quand même un Banco… On sait jamais ». De temps à autre elle part dans l’arrière boutique chercher des cartouches de clopes pour un client, ou pour en remettre en rayon. Elle indique où se trouve Télé Z dans les rayons du coin librairie. En payant un magasine pour adulte un habitué rigole en lui demandant si elle ne veut toujours pas travailler dans ce genre de revues. « Eh Paul toujours pas de pizza au caviar ? ». Elle rigole en hochant la tête, une clope au bec. « Tu as bien raison, tu es une bonne fille » lui répond-il.
PS : "Angélique, Marquise de PMU", je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve que ça c'est du titre !!!
à 20:32