Je n’avais plus parlé avec Natacha depuis longtemps. Depuis que nous avions passés les concours exactement. Nous nous croisions depuis le mois de septembre. Je pouvais, au début, me dire « elle m’a vu ». Avec les mois, plusieurs, je n’étais plus tout à fait certain qu’elle fasse encore attention à moi. Nous nous croisions dans les allées de l’IUFM, sans même nous en apercevoir. Du moins faisais-je semblant. Je savais très bien que j’aurai du aller vers d’elle dès la rentrée, mais je ne savais quoi dire chaque fois que j’avais songé à faire cela. Non timide habituellement, elle me rendait timide. Pour mon malheur il s’avère que cela me tombe de temps à autre dessus : je n’ose pas. Il m’arrive ainsi qu’une personne que j’ai assez bien connue, avec qui j’ai partagée des choses, avec qui de nombreuses phrases et rires ont été échangée, m’inspire du jour au lendemain une certaine peur. Une peur de l’échec. Sans doute aussi une angoisse du rejet. Je préfère ne pas bouger, plutôt qu’affronter son jugement. Un jugement que bien sûr j’imagine sévère pour moi. Tout en en ayant absolument pas la preuve : « Wandess c’est dans ta tête ». Je me le dis. Je me le dis et me le répète.
Mais rien à faire, cela m’arrive parfois. Il n’y a plus personne. Alors je le regarde, je pense à ces mois sans avoir osé aller lui parler, je ne comprends pas qu’elle ait pu m’inspirer de la crainte. Elle est belle. Elle est mignonne. Elle a l’air totalement charmante et ouverte, elle ne ressemble à rien qui puisse faire du mal, ni à une lame, ni à des flammes. Je ne comprends pas que j’ai pu paniqué. Surtout devant elle. Elle me sourit. Sans doute a-t-elle vu que je la regardais. Elle regarde la formatrice en biais, et souffle. Elle me regarde. Je lève les yeux aux ciels. Nous sommes d’accord, la didactique des mathématiques en cycle 2, nous avons déjà vu cela… Et pas qu’une fois. Je regarde ma montre, les aiguilles semblent se battre à celle qui sera la plus lente. Mais je ne sais si je suis pressé que ce soit la pause. Je n’ai pas encore décidé si je mettais fin à sept mois sans paroles entre nous, si je prenais mon courage à deux mains ou non. Il me semble que ça n’a jamais été aussi facile. Après tout, je l’admet enfin, à chaque fois que je croise cette fille je suis pétrifié, je la désire, je veux la connaître, et ce sentiment semble être réciproque. Il me faut convaincre toutes mes parties de moi que je vais aller la voir, que ce sera une bonne décision, que ça se passera bien. Il y a des râles. Ici et là. Des bouts de moi refusent. Je fais du chantage. Je négocie pour tout se comporte bien. Que mon cerveau comprenne ce que je lui demande, qu’il soit là, tout entier, dans sa meilleure forme. A ma langue je demande un de ces grands jours où tout lui réussi. Je mobilise mon équipe.
Il reste vingt-cinq minutes avant de sortir. Je n’ai rien écouté. Mais comme il s’agit d’un cours que nous avons eu au moins cent fois je raccroche vite. Je vois de quoi on parle. Afin de m’échauffer je pose d’abord une première question. La formatrice est ravie. Enfin un qui s’intéresse à ce qu’elle raconte. Etant bien parti je pars sur une question, la formatrice me demande de présenter mon point de vu, de préciser ma question. Je me lance. Il s’agit d’un teste. Des bouts de moi doutent de ma capacité à aller voir tout à l’heure Natacha. Alors je les force à reconnaître que je peux être royal, que je peux tenir, que je peux faire preuve de superbe. Bref, si je me suis parfois gamellé, je tiens à leur rappeler à qui ils ont affaire. En écoutant la réponse de la formatrice, je leur remémore mes grands faits d’armes. La contestation est matée. La voie royale est devant moi !!! La formatrice regarde sa montre. Dans quelques secondes nous allons sortir, je suis à bloc, prière pour que ça n’explose pas en vol…
Texte d'avril ou mars 2003, tiré d'un journal que je n'écrivais que pour moi... Bien avant donc le premier texte de ce journal...