Dans le jeu du blog j’ai oublié une chose essentielle. Le plaisir ne tient pas de l’écriture, du style, de la manière chiadée d’écrire. Il est dans le plaisir de sortir en instantané les absences, les douleurs, les souffrances, les douleurs… Et éventuellement les présences. Mon journal a cessé de se déverser sur ma page web simplement parce que j’ai voulu en faire un exercice de style, y écrire chaque fois mieux, trouver quelques chose qui moi me tienne éveillé. Ah l’orgueil ! Orgueil qui a fini par me rendre aphone. Ecrire ne me suffisait plus. Il me fallait singer le romancier. Ecrire en condensé littéraire ma vie, comme cette pauvre Amie dont je me suis moqué : « Le soleil ce matin est une guitare qui pleure ». Non, décidément je ne peux pas la suivre sur ce terrain. Non n’insistez pas !
Je ne sais plus depuis quand j’ai ce blog. Il est toujours là malgré tout. De temps en temps j’y passe. Un saut. Quelques réactions sur d’anciens textes. Des mails par là aussi qui font toujours plaisir. Des réactions haineuses également. Le lot quotidien, malgré la distance. Je ne suis plus là. C’est mo blog qui me donne des nouvelles. Il existe malgré moi. Sans moi. Il vit. Quelque fois, sur le pointe des pieds, alors que je ne sais plus écrire, je viens le voir, je lui rends visite. Il témoigne. J’ai été là. J’ai vécu cette histoire. J’ai écrit ce truc là. Entre honte. Et une nouvelle fois orgueil.
J’avais songé comme d’autres à fermer mon blog dès lors que je n’écrivais plus dessus. Il y en avait qui disait un petit matin : « Cette fois c’est décidé je l’arrête ». Comme on arrête de cloper ? C’était un peu cela. Forme moderne du suicide littéraire ? Bouffée folle d’orgueil ? Espérance des sempiternelles : « Non ne fait pas ça, on t’aime trop ! » ? J’en voyais laisser juste de quoi récolter les lettres d’adieux, les réponses de la rubrique nécrologique « On va te regretter… », « La vie ne sera pas pareille sans toi ! ». Des blablas pour des Johnny du web, toujours là, toujours accrochés, changement d’adresse, changement de pseudo… Je n’ai pas suivi et je ne le regrette pas. Je n’aurais sans doute pas récolté les larmes énormes que j’aurais pu souhaiter. Plus personne ne me lisait… Pour l’hommage funéraire je devrais attendre de clamser réellement. En attendant j’ai cet étrange sentiment en écrivant sur mon blog de devoir dépoussiérer les lieux, en reprendre possession. Comme après une longue absence.
