On m’avait tant fait culpabiliser que ne voulant pas être une nouvelle fois le principal responsable d’un échec français (ce pauvre pays n’a pas l’air d’être en grande forme ces derniers temps…), je m’étais décidé à soutenir la candidature de Paris pour les Jeux Olympique de 2012. C’était assez répété comme ça, chacun devait désirer ces jeux pour qu’on puisse les avoir. Ne m’écoutant pas, n’écoutant pas le profond ennui que cette troisième candidature m’inspirait, et encore moins le profond ennui que m’inspire cette imitation de fête du sport qui a lieu tous les quatre ans, j’ai fait preuve d’abnégation et ai décider de soutenir (au moins officiellement) l’organisation des JO à Paris. Pour la France. Pour la République. Et pour la télé. Car je sais ne pas penser qu’à moi, et penser aussi aux gens à mobilité réduite, aux personnes âgées qui n'ont que la télé pour pleurer, aux sportifs buveurs de bière (à mes amis qui aiment le sport…), ainsi qu’au jeunes riches retraités du sport ex-star à qui tout cela aurait pu donner un boulot de vacance en 2012. Accessoirement je soutenais également les JO, et ce uniquement par solidarité de couple, afin que le projet économique mis au point par Laura pour cet été là puisse voir le jour. Déjà que le référendum avait mis nos dissensions de couple sur le tapis, je n’allais pas laisser une attraction sportive mettre une nouvelle fois du gaz entre nous. D’autant que 2012 ce n’est pas encore demain. Sans compter que j’ai toujours un peu douté que le Comité International Olympique observe ma mobilisation pour attribuer les JO à Paris (genre « Ah Wandess ne soutient pas Paris donc on va filer les JO à Monaco… »). Mais il n’était pas dit que si les JO devaient être attribués à Moscou ou Madrid ce serait par ma faute.
Grosse merde à la caisse d’Attac. Le lecteur de code barre fait la tronche. Laura prend les choses avec flegme. Tout comme la cliente devant nous, tandis que la caissière se morfond que décidément ce n’est pas sa journée. Toujours humaniste je me propose de faire sourire Laura en murmurant à son oreille que pour cette pauvre caissière ce n’est peut-être bien tout simplement pas sa vie… Je me fais rabrouer du regard. La cliente devant nous a un accent français qu’on ne trouve que de l’autre côté de l’Eurostar. « Tu crois qu’elle est Anglaise ? » me demande Laura. De mes origines britanniques, remontant au début du siècle, il ne reste rien, même si j’ai eu dix sur vingt au bac et ai ainsi sauvé les apparences après des années au lycée sous les trois de moyenne. Mais je suppose que oui, que la femme en question devant nous appartient à la nation de la perfide Albion. Ces pillards, qui nous ont, dans un passé récent, privé de nos colonies en Amérique comme le dirai un ami. Ami qui n’a visiblement toujours pas digéré la perte d’influence de notre grande nation. Mais qui l’a vraiment digéré me demanderez-vous ?
La britannique est calme même si tous ses articles coincent la caisse. Elle se tourne vers Laura et se demande à haute voix ce qui se passerait si toutes les machines nous lâchaient en même temps. Je cajole mon téléphone portable, le petit va très bien merci, « Dieu soit loué et Dieu est grand » (nouvelle formule de mon cru élaboré afin de traverser sans dégâts cette période de renouveau de l’obscurantisme et montrer également que je respecte les croyance débiles de mes prochains, et ne suis donc pas raciste anti-catho ou anti-musulmans… fermons la parenthèse).
_ Fous saffez qui a eu les cheux olimpikeeee ? demande la britannique devant nous (oui je sais ma transcription fait très accent allemand, mais je sais pas transcrire par écrit l’accent anglais donc pour conserver malgré tout un certain exotisme je vous ai choisi l’accent allemand, je montre ainsi que je suis un type plein de ressource et peu animer mariages et autre évènements de votre choix avec un très bon spectacle d’imitation…)
_ C’est Londres… répond ma douce compagne.
Démagogie, peur de nos réactions primaires de Français, a-t-elle été briffée par son ambassade avant de venir ? Toujours est-il que l’interlocutrice se désole. Même mieux elle se lamente.
_ C’est proprement scandaleux !
Et à partir de là nous sommes partis sur le fait que c’est une décision davantage politique que sportive. Notre amie anglaise n’aime apparemment pas Monsieur Blair. Elle préfère la France. Elle trouve anormal que la France n’ai pas eu les JO après trois candidatures, surtout que tout le monde disait que c’était le meilleur dossier et que la France n’a pas eu les jeu depuis 1920 et des brouettes. Laura évite de répéter ce qu’elle m’a dit tout à l’heure sur ce sujet. Elle suppose que la mauvaise maîtrise de l’anglais par les Français explique peut-être ce choix. Bref ça devient n’importe quoi. Très analytique elle avance même que le choix français au référendum a peut-être bien eu des conséquences. Elle se permet une nouvelle fois de me regarder, comme si elle voulait me faire sentir ma responsabilité.
Finalement on en arrive là où il fallait en venir. Cette chère dame anglaise n’aime pas Blair. Elle n’aime pas les travailliste, et ça la fait bien chier (elle n’utilise pas ce vocabulaire cela dit…) que Tony puisse encore se vanter d’un succès. Chirac ? Elle le trouve formidable ! Il était contre la guerre en Irak… C’est un homme de conviction…
Oh comme le vent se retourne. Quelques minutes plus tôt Laura regardait cette dame comme une amie. La voilà désormais qui la regarde comme si elle portait sur elle le virus d’une maladie très rare : la chiracophilie
La France est-elle aussi pestiférée depuis qu’elle a voté non au référendum au point qu’on refuse à nos jeunes sportifs riches et retraités de les organiser chez nous, et à nos hommes politique de rendre par ce biais l’espoir à notre pays ?
Je m’étonne de ce que j’ai entendu dans les médias. Il n’y a nullement été expliqué qu’après trois candidatures la France a largement réduit ses soutiens. Durant ces trois candidatures la France n’a pas donné ses voix pour d’autres pays ou leurs amis. En retour elle perd donc leur soutien. Ensuite c’est oublier que pour avoir les JO il faut de l’argent. Il faut payer les électeurs. Leur promettre un petit quelque chose, un voyage par le Club Med, leur envoyer des caisses de nos grands crus, leur faire parvenir en douce dans leur chambre d’hôtel des bons d’achat Carrefour etc. A ce jeu là la France s’est à coup sûr montré moins efficace. Pour ne pas dire qu’elle s’est viandée. Chirac a perdu la main, même à ce petit jeu là il s’est fait battre par Tony Blair… Pauvre grand Jacques, perdant à un jeu qu’il a inventé pour financer son parti et son accession à la présidence. Décidément il y a quelque chose de pourri au royaume de l’olympisme. Et la France sent la fin de règne. Il y a une odeur de sapin.
à 12:49