« On se fait un resto ce soir ? ». Je ne sais pas, je réfléchis. On en a pas déjà fait un la semaine dernière ? Puis il n’y a pas grand choix chez moi, mais il y a de quoi se faire une bonne bouffe. En même temps, avec elle, évidemment que j’en ai envi. Le restaurant c’est « sortir », c’est plus de choix, plus de temps en tête à tête. Un peu comme aller prendre un verre dans un pub, c’est un instant codifié, on se met en face, on se donne le temps de parler, rester assis sans se soucier de ce qu’il y autour et remuer dans tous les sens. C’est se donner le temps d’autres choses. Léonore doit trouver que je mets beaucoup à ma décider. « Alors, c’est oui ou non ? ». Après hésitation je me prononce pour le oui. « Oui, c’est oui ! » dis-je presque en hurlant. Elle éclate de rire. Elle ne comprend pas que, avant qu’elle n’arrive, j’ai fait la vaisselle et passé l’aspirateur, et que durant ce temps je me suis poser cette question : « Oui ou nan ? Je suis pour une constitution européenne moi ou pas ?». Je l’aide à mettre sa veste, j’étais pas super fan avant de cette chose avec une sorte de fourrure en haut, à la capuche, mais j’avoue que depuis que je suis avec elle je me suis étrangement mis à apprécier. Dès que dans la rue j’en vois une comme la sienne, beige-marron, en daim, j’ai le regard qui fuit en observateur pour étudier les différents modèles existants. Bien, jusque là c’est elle qui à la mieux. Ou du moins personne ne la porte mieux qu’elle. A moins que, dernière hypothèse, et ensuite j’en resterai là, je me mette à tout simplement à trouver que tout ce qu’elle fait, porte, ou dit, soit ce qui va de soit. Le couloir est étroit, nous nous croisons et nous marchons presque sur les pieds lorsque je vais reprendre mon trousseau de clés sur le bureau, elle pose sa main sur mon épaule. Il y a bien des choses dans ce silence, il y a bien des mots. Bien d’autres gestes sous entendus de tendresse retenue. Elle retire sa main.
En tirant sur ses manches pour les redescendre sur ses poignets, elle remue ses cheveux pour les faire tomber correctement dans son cou. « On est parti ? – Hein ?... Euh oui – Tu rêves à quoi là ? ». A ses cheveux il me semble. A elle tout simplement. Et lorsqu’elle entre en première dans l’ascenseur et va s’appuyer contre la vitre au fond avec un sourire plein de défi, je reste à distance pour la regarder. Je m’appuie à l’exact opposé, à côté du tableau de commande. J’hésite en effleurant les boutons. « Vous descendez aussi ? – Oui Monsieur… - Vous habitez l’immeuble ? – On peut dire cela… - Et vous, vous allez voter oui ou non mademoiselle?». Elle éclate de rire et vient se serrer contre moi. Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment, on m’en passe des tonnes. Peut-être bien qu’on m’aime…