Elle a cette main légère. Et ce corps si pur. Il m’a fallu l’espace d’un film pour comprendre mieux l’ange qui murmure. Elle murmure dans la pénombre de la pièce, elle murmure à chacun de mes gestes, elle murmure lorsque les scènes l’oppressent. Elle tient ma main et ne la lâche pas, elle frissonne et replie ses jambes contre elle alors que le froid gagne la pièce. Je suis son fidèle serviteur et je vais lancer le radiateur soufflant pour que ses membres ne périssent pas de froid… Je frictionne son dos pour la garder près de moi, je frotte ses bras afin qu’ils reviennent autour de moi. Elle est la belle et moi le roi. Que fonde immédiatement ce monde autour de nous, que tombe en ruine l’amour tel qu’il a été perverti, que ressortent de sous terre les sentiment nobles qui ont été enfouis. Notre époque n’est pas si prospère, les usines ferment sur le continent, les rues ont froid, on nous rappelle à l’ordre lorsque nous ne regardons pas dans la bonne direction, on nous demande d’arrêter nos vies en même temps que celles des ces pauvres êtres qui ont été ensevelis. Les dieux ne sont plus écoutés, les radios crachent, les télévisons montrent. Connexion sur l’autre. Connexion. Ailleurs, jamais vers le ciel, toujours plus loin, toujours plus indéfinis. On en oublierait presque celui ou celle qui est tout près. On lui réclame d’appeler avant de frapper contre la porte avant d’entrer. Tu tiens mes mains. Je tiens tes mains. Nous nous sentons protégés. Le monstre est dehors. Nous ne nous protégeons pas l’un de l’autre au nom de ce que certains nomment expérience.
Le film a bien changé. Nous ne sommes plus les mêmes. Il faut croire que ces années ne nous ont pas été inutiles. La clairvoyance nous a rendu plus beau à chaque étage, nous nous connaissons sans doute à présent assez nous même pour ne plus craindre ce qui est différent. Tu ne me fais plus peur. Tu te laisses immobile sans croire qu’il te faut bouger et parler dans tous les sens pour me tenir. Dois-je appeler cela force ? Cette chose en toi est bien plus forte qu’elle ne l’était avant, elle te garde debout et riche et j’apprécie que tu ne la dissimule pas, mais que plutôt tu me la donne en partage et prenne chez moi tout ce que je ne veux pas garder. Je ne veux rien garder, je ne suis pas une éponge, je veux me donner.
Roméo + Juliette date de 1996. Presque dix ans déjà. Mais je me souviens de cette salle de cinéma. Comme je me rappelle de toi. Le film n’a pas vieilli, toujours Shakespeare comme il aurait toujours du le rester, accessible, sous le regard des dieux, sous le regard des mortels, moins simple qu’il n’y paraît, démontant les préjugés de notre temps… Dommage que nous ne l’ayons alors si mal compris… Le film n’est pas meilleur, il est resté tel quel, c’est nous qui avons changé. Tu comprends mieux pourquoi je me tords pour écrire ?
Je comprends à présent pourquoi tu as choisi ce film. Et je comprends ce que tu voulais dire. Même mieux, je trouve courageux et beau que tu sois venue me porter le message d’une aussi belle manière. Je me relève dans la nuit non parce que ta présence me dérange ou que tu m’empêches de dormir. Je me relève simplement parce que j’ai l’envie d’écrire, que même si tu pars demain, tu es belle lorsque tu dors. Tu es belle Léonore lorsque tu rêves d’être Juliette.
Je crois que nous avons tort de vivre continuellement en attendant quelque chose. Nous sommes déjà nos rêves… Seulement nous ne le savons pas encore.
à 04:19