« Ils mènent une vie sans excès, font gaffe à tout et surveillent leur capital santé… » Ils viennent chez moi, observent mes us et mes coutumes et trouvent facilement à y redire. Tu fumes trop. Tu bois un peu trop. Je ne devrai pas tant leur en dire. Les voilà qui me fixent avec de grands yeux, l’heure ou je me couche, l’heure ou je me lève… Comme je gâche ma vie à leur yeux ! « Ne t’étonne pas d’être seul avec la vie que tu mènes ! » disent-ils en substance, prenant mille et un détour, tout sorte de gants et de moufles, afin de me faire observer que leur modèle est en tout point meilleur. Mes parents n’auraient pas dit mieux : « Fait du sport, mène une vie saine, cesse tes excès, entoure toi de gens plus fréquentables… ».
Dans leur appartement parisien tout est moche, tout est laid, leur ville sent le mazoute, leurs magasins sont tout petits, leurs plantes vertes suffoquent alors il faut souvent les remplacer. Le chat est cloîtré. Il est gros. Il se prend pour ce qu’il n’est pas. Il perd ses poils. Et on ne pourra pas dire qu’il peut profiter des halles à proximités ou de Beaubourg. Etre juste à côté ne lui sert à rien, comme d’en être loin n’est pas non plus un problème, il suffirait pour le démontrer de sortir faire un tour dans la rue pour voir qu’on peut habiter à Tokyo et tout à fait venir traîner ses pieds pas ici. « Tu devrais venir vire à Paris, je suis certaine que ça finirai par te plaire… » commence à déblatérer Lucie avant de s’élancer dans son habituel éloge de notre capitale. En même temps Lucie avale des carottes tranchées en fine lamelles qu’elle trempe dans une crème à base de yaourt. Chez eux le café ça n’existe pas. Il n’y a que du déca. Il paraît que ça rend moins nerveux. En effet ils en ont bien besoin.
« Tu devrais te trouver une nana sympa, simple… Un peu cultivée qui aimeras ce que tu es… » me conseille Déborah. Il paraît que ça me remettra sur les rails. Elle me parle comme si j’en était sorti. Ou comme si ce qui était le plus beau était d’être dessus. Que j’avais toujours caressé ce rêve. Il me semble que je ne peux rien dire sans qu’aussitôt la même rengaine me soit ressorti. « Mes parents me comprennent mieux que cela… » dis-je en souriant, le sourire aide à faire passer ce genre de petite réflexion me dis-je. Cela passe même trop bien. On file aussitôt contre le mur, entre les gâteaux d’apéro, sur le tapis rouge rempli des poils du chat. « A votre santé ! ». Deby sourit : « Il faudrait que tu règles ton problème relationnel avec tes parents… Je crois qu’ensuite ça ira beaucoup mieux… Tu sais, je le sais, ça fait peur à une fille un mec qui n’a pas encore coupé le cordon avec sa mère ».
