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mise en page par Génie

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Les instants Monique

Nous sommes revenus un peu en retard du gymnase. En général nous faisons attention pour que cela ne se produise pas. Mais il est parfois nécessaire de faire un peu d’ordre. Là en l’occurrence un gosse avait prêté un jouet à un autre, et ce dernier avait refusé de lui rendre ensuite. En outre étrangement les gamins ne sont pas toujours pressés de rentrer, et il n’est pas rare qu’il faille les secouer sur le chemin du retour. Une mère ne put s’empêcher en nous voyant arriver aux abords de l’école, de se précipiter sur Sarah et lui faire remarquer l’heure qu’il était. Les autres parents dans leur ensemble semblaient prendre leur soleil et parurent amusés qu’une fois de plus Madame T. ai la nécessité de se faire remarquer. Sarah s’excusa brièvement, il nous fallait encore aller reprendre les cartables des enfants dans la préau, elle le lui fit remarqué. « Très bien, je vous attend. J’ai a vous parler ! » dit la mère en prenant un air mauvais. « Le contraire m’aurait étonné… » me murmura Sarah quelques pas plus loin.

Sarah sortait tout juste de l’IUFM. Enfin pas vraiment, elle était déjà là depuis le mois de septembre. Mais sans doute cela se voyait-il trop, et certains parents s’autorisaient avec elle se qu’ils ne se seraient pas permis avec les enseignants plus anciens à l’école. Trop gentille avec eux, leur laissant croire que leur avis comptait à ses yeux, elle avait à présent du mal à les remettre à leur place et leur faire comprendre que leur rôle était de faire correctement leur travail de parents, à la maison, et non discuter tous les faits et geste de l’enseignante. « En dessous de Liberté, égalité, fraternité, on devrait ajouter regarde la poutre qui est dans ton œil avant de parler de la paille qui est dans celui de ton voisin » dis-je en soupirant.

Les gamins s’élancèrent avec leur cartable sur le dos en direction de la grille. Quelques uns nous disant au lendemain, d’autres hurlant. Un groupe parti en direction du fond de la cours où la porte était ouverte pour qu’ils puissent regagner leurs cars. Les enfants de l’études s’installaient sur l’herbe pour manger leur gouter, des filles dessinaient une marelle sur le sol. Certains moins pressés usaient leurs chaussures en les traînant sur le goudron de la cour, visiblement guère enthousiaste de fêter la fin de la journée de classe. A moins que le cours d’EPS les ait complètement lessivés.

_ Oui, ça ne peut plus durer, dit la mère en s’élançant pour un monologue qu’elle avait visiblement préparé. Tous les jours vous les lâchez avec cinq ou dix minutes de retard…

_ Pas tous les jours, la modérais-je.

Apparemment ma présence la dérangeait. Elle me fixa en biais et retourna enfoncer son regard accusateur dans la direction de Sarah. La pauvre n’était toujours pas habituée à cela, et la comprendre n’était pas dur tant il était évident qu’elle prenait son métier à cœur et faisait tout pour ses élèves, s’impliquant énormément, y laissant beaucoup de ses week-end et de ses mercredi, travaillant à la réussite de tous ses élèves.

_ Cela arrive, c’est vrai, dis-je. Mais surtout le vendredi. Depuis lundi les enfants ont toujours été lâchés à l’heure. D’ailleurs nous aurions été à l’heure aujourd’hui si comme le mentionne le règlement votre fils ne venait pas avec des jouets à l’école.

_ Je lui ai permis.

_ Alors si des parents viennent se plaindre comme vous du retard que nous avons pris ce soir, nous vous les adresserons. Vous leur expliquerez.

Là elle se mit à blêmir à son tour. Nous l’avons regardée s’éloigner après qu’elle ait bégayée quelques excuses qui de toute évidence ne venaient pas du fond du cœur.

_ Tu y vas un peu fort ! observa Sarah. Je n’oserai jamais dire des trucs comme cela.

_ Les anciennes de l’école n’hésitent pas elle. Et elle sont tranquilles. Crois moi. Jamais un seul parent ne leur fait une réflexion parce qu’elles ont oublié une faute dans un des cahiers.

_ J’avais envi de lui faire remarqué qu’on était pas payé plus quand on faisait dix minutes de rab… s’amusa Sarah.

_ Demande à Monique. Elle le fait. Trois mois après la rentrée elle n’a plus une seule réflexion….

_ Elle est acariâtre…

_ Je veux bien te croire. Et encore tu sais pas tout. Elle en a de très bonne. Même excellente.

Nous nous sommes assis sur le banc dans le patios de l’école. C’était un rituel. La clope avant de remonter ranger la classe, corriger les cahier, préparer la classe pour le lendemain.

_ Une fois, dis-je, je ne sais plus à quelle occasion, nous étions allé à quatre au restaurant qui est dans la rue Gambetta. A la fin du repas on paie tous par Carte Bleue. Sauf Monique. La menu était à 9 euros 90. Elle pose un billet de 10 euros. Le serveur encaisse. Et Monique attend sa monnaie. Elle porte des regards insitants sur le serveur. Il fait mine de pas la voir. De ne pas comprendre. De toute évidence il sait ce qu’elle veut. Mais il veut son pourboire. Le type est pas très aimbale. Service execrable. Je te déconseille ce resto, en plus on y mange mal. Fin de la boucle. Monique finit par appeler le serveur « Monsieur, je crois que vous avez oublié quelque chose ! ». Le serveur vient, prend une mine d’ahuri qui ne comprend pas. Monique tu sais comment elle est, elle a l’air réjoui.

_ Oui les bras de fer c’est son truc !

_ Tout à fait ! Alors Monique lui demande : « Il est à combien le menu ? ». Le serveur répond 9 euros 90. Monique sur un ton ironique continue : « Et je vous ai donné combien ? ». Le serveur bien sûr dit qu’elle lui a donné 10 euros, mais ajoute qu’ici les clients lui laissent un pourboire. Monique lui demande s’il a des enfants. Le serveur ne voit pas où il veut en venir. Nous non plus d’ailleurs. Alors il balbutie que oui, il a deux enfants. Monique lui demande dans quelle classe. Ils sont en CP et CE2 répond le serveur.  Alors à ce moment là tu vois Monique qui lui parle comme à un môme et qui lui demande s’il croit qu’elle reçoit des pourboires des parents dont elle corrige le mieux les cahiers. Elle ne s’arrête pas là et elle fait : « Si votre enfant fait vingt fautes à la dictée, alors que d’autres n’en font pas, est-ce que pour me remercier d’avoir corrigé toutes ces fautes vous aller me donner un pourboire ? ». Le type répond que non. Monique se lève, enfile son manteau, et l’achève en lui disant que maintenant il a compris pourquoi elle ne laisse jamais de pourboire.

_ Monique is magic !!!

_ Tu trouves toi aussi !

_ Si elle existait pas faudrait l’inventer. En tout cas si elle a un jour les gamins du serveur dans sa classe, faudra pas qu’elle s’étonne s’il ne lui fait pas de cadeau pour Noël ou la fin d’année ! Les napperons, les saladiers, le pot-pourri qui sent bon pour le salon, comme les pâtes de fruit, ce sera niet ! Pas de napperon pour Monique.

Nous restons en silence à ne rien dire. Sarah a les yeux fermés, elle laisse le soleil caresser sa peau. De temps en temps l’un de nous deux ne peut retenir l’envie de rire et entraîne l’autre. Sans Monique on s’amuserait beaucoup moins dans cette école. Elle est l’âme de ces murs. Comme le dit parfois Michel, « L’école Jules Ferry sans Monique, c’est comme New York sans le World Trade Center ». Michel n’est pas mal non plus.

 

 

 

 

Ecrit par Wandess, le Vendredi 16 Avril 2004, 21:12 dans la rubrique "Ecrits de la vie...".