Toto a onze ans. Il habite dans un morceau de forêt. Dans une maison près des bois. En terme de géographe on appelle cela du mitage. On ouvre le portail. Lili part comme un fauve lâché de sa cage. Les gosses ont du bol. Un jour de soleil pour la fête. Un ciel bleu comme un mouchoir propre. Je me sens aussi plus léger même si j’ai toujours cette sensation d’avoir des bouts de chaînes aux pattes et aux mains.
_ Le cadeau ? Il est où le cadeau ? cris Lili en revenant en courant vers moi.
_ Heureusement que j’y ai pensé hein ? fais-je en lui passant le sac en plastique.
Elle s’accroche à mon bras et nous continuons et nous montons vers la maison. J’ignore combien coûte ce genre de baraque, ce qu’il faut faire dans la vie pour habiter dans un pareil petit coin de bonheur souriant, mais ce genre d’endroit est exactement ce que je pourrai rêvé. Je mets de côté toute notion de chiffre et j’essaie d’en rester à la surface des choses. Oublier la jalousie qu’ont parfois les esprits chagrins.
_ Maman n’avait pas eu le temps de trouver un cadeau, explique Lili.
Les enfants savent ne pas parler à propos, c’est quelque chose que j’apprécie, même chez les adultes. En plus ça leur sert à commencer une discussion.
_ Ah vous n’êtes pas le père de Lili ? me demande la mère de Toto.
A partir de là c’est parti. Les gamins jouent dehors. Il doit y en avoir une dizaine. Amusant d’ailleurs de les voir autre part que dans une cours de récréation. Pas inintéressant. Toto n’a que des copains à part Lili. Mais ça ne l’a jamais gêné. Je constate ce dont je m’étais déjà douté. La petite Lili est drôlement courtisée si j’ai bien compris ses histoires de multiples amoureux. Je n’ai jamais trop réussi à suivre, ça change tout le temps. A part son mois Victor, ça a tout le temps bougé.
Apparemment les parents étaient prévus de la fête. On nous réunis sur la terrasse. Comme ça on perd pas de vue nos bambins. On n’en est pas trop loin, on les voit jouer au loin dans le grand jardin. On nous sert un cocktail. On est six adultes comme ça. Mais deux hommes cela dit. L’autre c’est un de ses pères modernes. On peut le reconnaître parce qu’il est là tout d’abord. Ensuite il est bien au courant de toute la petite vie de ses deux bambins. Il connaît ce monde là, c’est pas un de Ces adultes qui ont complètement oublié ce que c’est d’être un enfant, sans doute se rappelle-t-il de celui qu’il était. Il idolâtre pas non plus. Je réexplique qui je suis pour Lili.
Benjamin, un des gamins du type vient le chercher pour aller jouer au foot. « Tu viens ? » me fait le type. Bien, ça me démangeait justement. Je me demandais en les regardant quelle était la dernière fois que je m’étais amusé. Je me lève, j’ai très envi de dégueulasser mon pantalon.
_ Ouais t’es avec nous ! crie Lili.
_ Ouais, même qu’on va gagner !
Idée essentielle de la journée, leçon numéro 1 : ne pas oublier de s’amuser, oublier son âge de temps à autre. Il y a bien des choses que je fais pas contrainte, foncer lorsque ça me fait plaisir. Advienne que pourra quant à ce qu’on pensera de moi, après tout, « Dieu seul me voit ».