Je suis Lost in Translation, c’est un dire perdu dans un déplacement uniforme dans une direction et un sens donné. L’avantage, à être perdu dans un mouvement de translation, c’est déjà d’être perdu dans quelque chose. Un peu comme de courir sur la piste d’un stade. On ne peut pas dire que ça ai un sens. Et pourtant si, il y a ce mouvement circulaire sur la piste. Alors je me sens perdu, vide. Egaré. J’ignore où je veux aller. Je vais dans une direction à coup sûr, dans un sens. Mais j’ignore lequel, j’ignore où je vais. D’ailleurs si je le savais je ne serai pas perdu dans ce mouvement de translation. Alors je me perds dans mon transat. Lost in a transat. Immobile. Malgré tout, toujours en mouvement. Pas de repos. Pas de vacances. Nouvelles Frontière ne propose pas de destination lointaine et brillante où je pourrai partir en me laissant derrière moi. Je rêve de vacances sans moi. Etre, sans être moi.
Il y a le lave linge à vider. Mais je ne me sens pas concerné. Il s’agit d’un bon début. Il me semble. Marre d’écrire. Marre de me raconter. Marre de ranger. Marre d’inventer des histoires et les écrire, marre d’inventer des histoires tout court, de me les raconter, simplement parce que je ne peux et ne veux voir l’histoire qui se déroule sous mes yeux. La mienne. Mon histoire, et l’ennui profond qu’elle m’inspire. Je suis bien enfoncé dans mon transat. Localisation géographique : transat. Nulle précision nécessaire à apporter. Un transat est en lui-même une localisation. Un point qui est en lui-même son propre signifiant. Je ne suis pas mort, non je transate. Verbe d’action : ranger. Verbe d’inaction : transater. Plus de mouvement. Perdu et pas perdu. A l’écart. Entre parenthèse.
J’ai une conscience assez aigu de ce qui me ronge. Ecrire notamment. L’euphorie est telle lorsque j’aime ce que j’écris. L’écriture est un démultiplicateur d’existence. La chute est vertigineuse lorsque ça ne marche pas. Il ne reste alors plus grand-chose sur quoi se reposer. Le doute est là, il s’installe, on mesure le temps perdu. Il faut trouver autre chose sur quoi s’appuyer, accepter qu’il est possible de vivre sans écriture, se rabattre sur ce qu’il y a de solide à côté. Un transat par exemple. Ecrire amplifie les hauts et les bas. Je l’ai tourné vers le mur. Je suis fatigué d’observer. Fatigué du détail. Je me sens perdu dans les détails.
Et je me retiens de bouger. Si je me lève je le sens, ce sera pour filer droit au tabac. J’ai le sentiment que je dois tout repenser de ma façon de vivre. Alors je reste à faire ce que je fais le mieux : transater. Réapprendre à rester immobile et, pièce après pièce, vider mon cerveau de ce qui le plombe.