L’air de rien je n’avais plus mis les pieds par là-bas depuis un long moment. Je m’en suis rendu compte en y arrivant. J’avais depuis un petit mot envi d’aller y faire un tour. J’ai saisi le prétexte des soldes pour le faire. Dans la grisaille et sous la luie, c’est souvent ainsi que les gens détestent cette ville nouvelle. Elle s’offrait ainsi aujourd’hui, avec son centre ville- centre commercial. Savez-vous par exemple qu’il s’agit d’une des rares villes dont le centre ville est la propriété d’une entreprise privée, qui plus est une multinationale canadienne tel un vulgaire centre commercial. Malgré tout on peut trouver un charme à cette ville sorti des champs. Je me souviens lorsque j’étais en CE2 d’un ami qui me racontait qu’il avait appris à y faire du vélo, au milieu des champs. Immanquablement on pense au clip de Mickey 3D pour « Respire » lorsque l’on pense à tout cela. Néanmoins la ville a son charme.
La place George Pompidou s’élève au dessus du passant avec son air majestueux si on y fait attention. Elle a des formes modernes de cirque romain, et un type comme moi ça lui donne des frissons. Je me rappelle d’un matin où par hasard je fus présent à la levée du jour. Dans le soleil doré, comme un animal vivant, la place se mis en action, tel un temple solaire les lampadaire un à un, suivant la progression du levé de l’astre solaire sur la place, derrière les haut murs, leur lampe pointu en acier brillant se relavant, s’éteignant lentement, pour tendre leur tête vers le ciel. Un moment œuvre d’art, un balai de lampadaire Philippe Stark au matin, le sentiment d’avoir touché la beauté, cette beauté nullement classique, mais cette beauté quand même. J’étais resté là, figé, devant le grand théâtre, dans sa silhouette imposante, contemplant à présent l’immobilité complète de cette place qui quelques minutes plus tôt m’avait offert cette étrange sensation de vertige. Lolita arriva enfin, elle couru me rejoindre au centre de cette arène moderne. A cause de cela je ne peux pas être de ceux qui haïssent Saint-Quentin-en-Yvelines.
Près de l’étang où se trouve la médiathèque et le Mc Do, j’ai des souvenirs par milliers. Pas de ces hivers où cette ville ne présente que son béton et ses briquettes noircis. Mais j’ai des souvenirs magnifiques de ces printemps où l’étang est fleuri, ou les arbres, encore ridicule, offre une petite ombre. Nous allions nous asseoir là Lolita et moi. Et tiser durant des heures, les 8°6 nous déliant la langue et nous permettant de nous raconter. J’y ai fumé ma première clope avec elle, une Bastos tout à fait dégueulasse d’ailleurs. La première clope est toujours dégueulasse. Et les dernières aussi. C’est à cause de celle du milieu qu’on tombe dans le piège à con.
A Saint-Quentin j’aime aussi sa fac. Je m’y suis plus. Cette université neuve, le bâtiment Vauban, je m’y suis senti bien. J’y ai appris bien des choses qui me servent encore qui ont enfin su répondre à ma curiosité. La fac m’a plu oui. J’ai aimé apprendre. Je suis un peu nostalgique de ce temps. Des sit-in à la machine à café, des bancs circulaires entre le bâtiment principal et celui où se trouve le réfectoire et cette étrange cafétéria digne de rendre jaloux les producteurs d’Hélène et les Garçons.
Le pavé du Canal s’est agrandi. J’ai eu du mal à me retrouver dans cette librairie. Celle qui fut un peu ma librairie. Les Parisiens nous cassent toujours les pieds avec leurs rues, leurs lieux, leurs boutiques que tout le monde devrait connaître. Le pavé n’a rien à envier à qui que ce soit. Modeste librairie diront certains parisiens en comparaison avec ce qu’ils ont connu. Mais c’est là que j’ai acheté mes premiers manuels de fac, là que je venais acheter mes Folio, mes lectures, dégoter le livre qui me ferait rêver, le livre mal connu qui ne demandait qu’à se faire découvrir. Une libraire qui s’agrandit c’est un bon signe.
Je me rappelle de nos virées entre les étagères, avec Lolita, un peu beurrés après des heures au soleil à boire sur le bord de l’étang. « Tiens je t’offre celui-là – A mon avis si tu lis celui-là tu vas adorer, j’ai l’impression que ça parle de toi ».
No comment par contre quant au Mc Do. Aucun non plus sur le Gaumont Saint-Quentin ex-UGC, dont la programmation semblait destinée uniquement à des illettrés. Ils semblent faire des efforts en ce moment, je n’en ajuterai pas davantage sur ce multiplex immonde, ils semblent avoir viré l’ancien programmateur, je souhaite au nouveau de ne jamais se prendre pour un Américain de base comme l’était son prédécesseur. Mais nous y étions allé bien sûr quelques fois, exemple de la bouilli qu’on ose parfois nous vendre, honte au mot culture. Saint-Quentin est aussi une ville où des troupeaux de cake passent leur temps. Des vigiles sont placés un peu partout. Nous sommes dans un lieu privé, détenu par une entreprise, ce n’est pas la police qui assure l’ordre.
Mes chaussures chéries sont trouées. Impossible d’en trouver pour les remplacer. Je suis trop compliqué, je veux quelque chose qui y ressemble. Entrée au Go Sport. Un magasin de sport indigne de ce nom, mais sait-on jamais… Il ne me faut pas beaucoup de temps pour voir que ça a empiré. J’ignore qui dirige cette boutique, mais ce monsieur est un con. Il n’y a pas de musique en fond sonore, non il y a des décibels, de la bouilli pour cake, du rap ou du r’n’b. Un magasin de sport qui semble considéré que les crétins décervelés ont un pouvoir d’achat assez important pour leur dédier leur vitrine musicale. On peut fermer les yeux. Pas les oreilles. Imposer cela mérite un dépôt de bilan. J’espère que la loi du marché va opérer. Voilà, je crois que ça donne une bonne idée de ce qu’est devenu le métier de vendeur d’article de sport, ne pas se préoccuper des clients sportifs réellement, mais des petits cons et des petites connes qui se la pète et ont des goût musicaux et vestimentaires de chiotte.
Je ressors. Direction Derrick. Je me rappelle qu’avant d’aller à la fac à Saint-Quentin j’avais entendu parlé de cette boutique par des amis qui fréquentaient le lycée Emilie de Breteuil, comme ce malheur P. qui partagea un temps la même classe qu’Omar (de Omar et Fred) et dû subir durant presque un an à plein temps l’humour de ce cancre. Grâce à lui j’ai pu entendre parler de Omar bien avant que celui-ci ai ce succès que bien évidemment j’espère éphémère. Qu’il m’en excuse, mais ainsi il me ferait enfin rire. Je pense que P. partage cet avis.
Derrick donc, avant d’être à la fac, j’imaginais une sorte de boutique ringarde, supposant que ce ne pouvait pas être son nom, mais une façon de rendre hommage à ce superbe téléfilm allemand parfaitement ennuyeux et maintes fois rediffusés. Mais je me trompais. Ils sont devenu mon fournisseur quasi unique en pull depuis que Lolita un après-midi décida de m’y emmener.
Sept an plus tard je porte toujours aussi souvent ce pull noir à col en V qu’elle m’offrit ce jour là, qui est devenu mon pull fétiche, malgré son col déformé, et les fils qui de temps à autre pendent au bout des manches. Tout le monde veut me voler mon pull et chaque fois. Mais je m’y accroche. Payé cent balles je peux dire qu’il a su se montrer digne à l’usure du temps, il n’y a pas beaucoup de vêtement qui savent aussi bien durer. Lui et moi je crois qu’on s’aime…
La boutique n’a pas vraiment changé. Le mec à la caisse est toujours le même. Derrière un comptoir très haut, comme dans un bar, il semble toujours avoir des millions de choses à faire. J’ignore si c’est un genre qu’il se donne ou pas, mais je trouve cela amusant de voir depuis si longtemps le même visage, ce visage connu, tout en étant pas reconnu.
Je fille entre les rayons. Espérant trouver le pull qui fera battre mon cœur. Les pulls pour singer un type connu, c’est un peu mon dada… Et là, coup de foudre pour la réplique identique de mon vieux pull. En trente seconde je l’essaye. Taille identique. Je fais donc dans l’achat de clone.
Je le porte en ce moment même, alors que je tape sur mon clavier. Je suis certain que c’est la suite d’une histoire d’amour.
à 09:07