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 Ecrits de la vie...   Fiction   Les aventures de Paul-Henri   Nouvelles   Z 

mise en page par Génie

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L'après. Huit jours.

Voilà huit jours que je suis partie. Vous m’avez collé à la peau. Laissé une décalcomanie usé dans le creux des reins. J’ai pris ce qu’il me restait. Je n’ai pas gardé grand-chose. Des souvenirs légers comme du verre, des plumes argentées et du sable en poussière. Je n’aimais plus votre façon de vous agripper à moi, de me rappeler sans cesse mes creux et mes vides. L’ennui qui nous parcourait, ces longs dimanches élastiques où l’on ne se disait rien. Mais je vous ai aimé.

 

Avec ce relent d’espoir, cette braise pétillante, cette guimauve pathétique.

 

J’ai gardé suavement tous les mots insignifiants. Ceux qu’on se disait vers les Minuits. Vos monologues. Vous aviez le parfum au goût acide. Celui qui mélange toutes les saveurs dans un cocktail déboussolant. Vous sentiez la mousse fraîche, le tabac frais, la mélancolie passagère, l’adolescence hargneuse. Ce léger goût de provocation que vous cultiviez. Celle qui me plaisait. Cet étendard révolutionnaire qui gonflait en vous à chaque instant. Vos manières de marteau piqueur. Vous me trouiez le crâne. Lentement. En me décortiquant mon cerveau rose et flasque.

 

Oui, je suis partie. J’ai compté les jours et j’en vois huit.

 

Huit une rondeur exquise qui me fait tanguer. J’ai le pied marin. Je passe de l’autre bord. Vous m’aviez harcelé jusqu’ à ce que je cède et vous en laisse toujours plus. Des miettes.

-Allez, tenez, vous me faites de la peine.

 

Un contrat passionnel d’une année. Un VIP amoureux. Une clef sans la serrure. Une erreur. Un tandem colérique. Une colère torride. Une partition à deux mains. Un vélo à deux selles.

 

Les autres m’appellent. Vous les redoutiez. Vous aviez crevé de jalousie. Parfois me boudant tard, le soir. On roulait fatigué dans le sens opposé. Je vous traitais de vilain. Vous me disiez « garce ».Et d’autres sobriquets tout aussi disgracieux. « Bientôt » était censuré. Vous les voyiez s’approcher de moi. Me dévorant par morceaux. Ils finiraient par m’avaler. Toute crue. Vous aviez une trouille.

 

Et l’on se réconciliait. Oh l’espace d’un instant. On égrenait le peu de temps. Avant de consommer la rupture.

-Il te rendra vieille et sèche.

 

Voilà ce que vous hurliez. Tout n’était pas périmé. Je crois même que dans quelques années je serais nostalgique. Je relirais nos escapades. Je passerais une main sur les vestiges de nos étreintes. Je serais comme l’aveugle faisant surgir du brail des longs lambeaux de rêves. Pas maintenant.

 

Vous seriez le doux rail de coke que je m infligerais dans les narines. Des racines sans drogue qui ne me feront plus souffrir.

 

Huit jours. Ça me suffit pour vous détester. Pour cracher lentement sur votre visage laid. Pour fracasser les dernières peintures de vos doigts sales sur mes joues. Je ne veux plus. Du supplice que vous m’aviez infligé. Entendez-vous ?

 

Dites, ne rechignez pas, plus un mot, plus un soupir, plus une volute tendre, plus de seringues enivrantes. Taisez toi. Huit jours.

 

Regardez, je prends la barque et ses amarres. Je laisse l’encre noire bruisser dans l’eau. Je vous laisse le pont, le port, le linceul, les souvenirs, la brise et même un petit bout de mon corps. J’ai bien mastiqué ces saloperies de soleils, ces huit ciels libres sans votre bouche molle m’étouffant, cette huitaine au goût de moule fraîche, à la brise rose, à l’horizon couleur miel.

 

Huit jours que je suis partie, que je vous ai laissé la couette, celle dans laquelle on avait tissé des projets. La même qui avait reçu des coups, des poings, des larmes et des rires. Je vous les laisse les rires. Faites en ce que vous en voulez. Morfondez vous dedans. Vous pouvez les remodeler. Ce sont mes rires mais ils ont le jaune de vos dents, la mélancolie embêtante et la bêtise de votre âge. Vous pouvez y mettre des étiquettes. Tenez et mes sourires je vous les rends.

 

Va, ne râlez pas. J’irais les retrouver ces grands battements de bouche, ces étirements de lèvres dans une boîte noire. Je serais une image de bric et de brocs. Une boîte souvenir. Celle à dix sous dans les foires. Celle dans laquelle des vieux clichés couleurs se mélangera. Dans la boite il y aura des épices et des noyaux de cerise. Un grand cahier à lignes bleu. Des cheveux en bataille. Un ticket imaginaire. Le rond de nos cris. Le silence qui nous échappe. Vous n’avez pas de nom. Ou alors je l’ai oublié. Toujours ailleurs. Après. Janvier quand vous m’avez déposé un baiser de sel.. Allez, laissez moi. Vous êtes un amoureux sans nom. Une petite flamme oubliée au coin du jardin. Une amourette de douze saisons. Ephémère comme un pet. Vous êtes une saleté incongrue. Une tâche de naissante. Un raclement de gorge. Une ampoule au pied. Une verrue éclatée. Un petit rien sur mon tapis rouge que je déroule. Vous tenez en quelques tours de pendule, en l’espace d’un gâteau crème anniversaire, une année scolaire, un rond de jambe, quelques averses de pluie.

 

Va, vous tenez dans ma main, je vous emmêle avec les autres. Février et l’on se glaçait déjà. J’embrouille votre visage.

 

Il y en aura tant d’autres après vous.

 

Vous êtes mon amant du milieu, ma douce gaucherie, mon sucre à l’aspartame, mon vide bien vite oublié. Le printemps est arrivé au goût de fraise et je me collais à votre cou. Huit. Je fais des Riky à la Huppe sur ma main gauche. Y rajoute trois doigts de la main droite. Huit. Voilà. Voilà. Je vous conjugue quitter au futur Je vous le récite en allemand, au subjonctif deux, aux conjugaisons compliqués, à des temps qui n’existent pas. Vous avez crevé brutalement.

 

Huit jours.

 

Huit jours mon amour, mon ancien, mon fantôme laid, mon ange de cristal, mon marin au mal de cœur, huit jours, que vous n’ êtes plus qu’ un petit fœtus rabougri dans mon cœur, une chose atrophiée,reléguée bien loin dans les grottes de mon sang. Je vous balancerais bien un coup de pied au cul,vous giclant dans un espace temps qui n’existe pas, un univers où vous n’êtes même pas né, où rien n’existe. J’appuis sur futur et vous mets en stand by. Je vous bousille cruellement en faisant des zzz sur arrière rapide. La bande s’enroule. Vous êtes sur la cassette de ma vie. Je n’ y prends pas soin. Je n’ y mets pas d’annotations. Petit cadavre prématuré. Amour à qui il manque aujourd’huit ses lettres.

 

Je vous avais calligraphié. Avec de l’huile de pins. Vous êtes une petite bouillie infâme, un pot de bébé à la carotte, un goût atroce dans ma gorge. Vous êtes l’angine. Le pervers amoureux. Le kleenex dans lequel je m’essuie. Huit.

 

Equation précise. Huit avec son ventre ballonnant et son crâne d’œuf. Huit jours.

 

Huit parcelles de rêves. Huit débuts de nuit. J’enlève le bâillon. Le rouge dans lequel vous m’aviez étouffé. Huit mon chéri désuet.

 

Huit qui me tends ses tentacules. Des stigmates de liberté. Un horizon en vergeture. Une goutte neuve et salée. Décembre n’était plus qu’un orgasme imperceptible.

 

Huit jours, voilà, je suis partie. Je vous quitte. Votre peau infâme. Vos boutons au Biactol. Votre sexe en pesticide. Votre kilo mal placé. Vos blagues vagues. Vos yeux albinos. Allez, sans rancune hein. Regardez je suis bonne. Gentille. Presque câline. Compréhensive. Attentionnée. Une dernière fois. Je sèche vos larmes vermicelles. Je m’en vais courir. J’ai mes bottes vertes. Un pull marin. Tout mon temps. Tout mon temps pour cultiver mes amours. Je vous oublie.

 

Je vous oublie mes dix-sept ans.

Ecrit par Lou, le Mercredi 19 Novembre 2003, 18:25 dans la rubrique "Nouvelles".