Je suis passé devant la résidence jeunesse plusieurs fois sans la voir. Lorsque j’ai remarqué son existence dans mon quartier, à deux rues de mon immeuble, chaque fois que je suis passé par la suite dans cette rue, je n’ai pu m’empêcher d’être intrigué. J’ai pu observer qu’après minuit quantités de fenêtres étaient encore allumés, à des heures où dort presque la totalité du reste de cette ville tranquille. « Résidence jeunesse », c’est écrit en bleu, en diagonale, rien que cela déjà, il y avait pour moi un mystère à éclaircir. Je me sens jeune. Ne pas habiter à l’intérieur, dans un immeuble où tout le monde semble avoir les mêmes horaires que moi, me semblait être une raison suffisante pour faire ma petite enquête.
Mais enquêtes ne servent à rien. Si ce n’est à tuer le temps. Lorsque je mène ce genre d’enquête, il s’agit de tromper l’ennui, de ne pas rester chez moi. En somme l’objectif n’est ni plus ni moins que de tuer le temps, de vivre des choses, et de ne pas pour une fois les regarder se dérouler devant moi, sans moi. D’une certaine manière il s’agit de quitter le souvenir, la vie par la psyché, pour en revenir à une vie simple et ordinaire ou tous mes motifs de réflexions sont uniquement le présent, mes actions, ce que je suis en train de faire, de vivre. Je lance les dés, j’ignore ce que ça va donner. Il y a quelque chose de grisant.
Je traverse le trottoir, d’un pas encore assez peu décidé. J’ignore ce que je vais faire. Il fait nuit, il n’y a personne dans la rue, il est près de vingt-trois heure, seules le fenêtres de l’immeubles sont encore allumées dans le quartiers. L’immeuble semble vivre encore alors que le reste de la ville sommeille. Il y a un cadre en verre avec des papiers en dessous. J’ai traversé pour lire. Je n’apprends rien sinon qu’il s’agit d’une résidence de jeunes. Mais je le savais déjà.
Je pousse la première porte. Celle qui donne accès aux boîtes aux lettres et à l’interphone. La seconde porte est fermée. Mais quelle importance. Entrer, et pour quoi faire ensuite ? Je reste là, je regarde les boîtes aux lettres. C’est beau des boîtes aux lettres la nuit. D’une certaine manière on dirait qu’elles dorment. On dirait un cimetière à courier. Je reste comme cela cinq minutes. J’attends. Je ne sais pas quoi. Je m’allume un cigarillo. De toute façon je n’ai rien à faire chez moi. Alors ici ou ailleurs…
Depuis que je me suis installé dans cette ville, je n’ai pas réussi à nouer des liens sur place. Certes j’ai des amis, mais ils vivent tous assez loin. Or il y a une sorte de malaise qui s’est installé à habiter ainsi un lieu où la personne qui me soit la plus proche est ma boulangère. Je ne suis pas encore tombé malade, je n’ai donc pas encore vu de médecin. En outre la plupart de mes amis, de sexe masculin ou féminin sont tous en couple en ce moment. De puis plus ou moins longtemps certes, mais cela a pour conséquence pour moi de me retrouver souvent seul en fin de soirée. Les amis en couple sont souvent disponible en première partie de soirée, case de l’emploi du temps qui correspond à peu de chose près à ce qu’on appel au « prime time » à la télévision. Ainsi entre vingt-trois heure et minuit se mettent-ils à bailler tellement qu’ils ne prennent même plus la peine de mettre leur main devant leur bouche. De cette façon font-ils comprendre qu’il est temps que je parte. Alors je rentre chez moi, je me sers un verre, j’allume la télé, ou bien je vais sur internet. Mais ce n’est pas la vie que j’attends. Avec mon boulot je n’ai le rythme de travail de personne, j’ai des longs jours de récupérations, je travaille le reste du temps de nuit. Je ne dors que lorsque je suis fatigué.
Deux jeunes types arrivent. Je me donne une contenance en semblant chercher un numéro d’interphone sur les boîtes aux lettres. Je n’ai pas envie qu’on se demande ce que je fous là. Je joue à celui qui vient juste d’arriver, qui vient voir quelqu’un. « Bonsoir !- Bonsoir… ». Je mets un doigt sur une étiquette de boîte aux lettres. Puis un autre. Le jeune gars explique à son copain que c’est toujours pareil avec ses clés, qu’il les met dans une poche puis qu’ensuite elles n’y sont plus et qu’il les retrouvent dans une autre. Je sais ce que c’est, j’ai aussi se problème. Moi elles passent sans cesse de la poche gauche à la poche droite de mon pantalon. Mes clés sont de droites. C’est pour ça qu’elles me font chier, on n’a pas les mêmes opinions. Je regarde une autre étiquette de boîte aux lettres. Puis une autre. Encore une autre. Je me donne du mal à sembler chercher quelque chose que je sais ne pas pouvoir trouver. Je soupire. Je me relève. Je prends l’air du mec excédé. Je sors mon portable de ma veste. Mais je n’ai pas le temps de feindre de téléphoner.
_ Tu cherches quelqu’un ? me demande le clone de Florent Pagny.
_ Oui.
Mais je sais que je viens de trouver. Mon enquête va pouvoir se poursuivre !!! Je regrette que Lolita ne soit pas là, je pense toujours à elle lorsque je mène ce genre d’enquête. Elle m’a tout appris. Elle est mille fois meilleure que moi.
Suite dès qu'elle est écrite.... !
à 00:04