Les voilà. Voilà les premières cerises. Toutes belles, toutes rouges. Oui, bien sûr me direz-vous, les cerises sont toutes rouges… Exact, mais aujourd’hui on ne voit plus que de ces cerises là : les charnues, les très rouges, la couleur d’un vieux vin. Un baiser en plein été… Il n’y a plus de ces cerises roses, un peu pâles, et d’ailleurs plutôt bonnes. Aujourd’hui, dans la barquette plastique achetée à Auchan, il n’y a plus que ces cerises charnues, mollassonnes, toujours avec ce gros rouge. Il paraît que les Français veulent ces cerises là, la couleur excite leur imagination… Grosse cerise charnue, couleur presque violette… Il paraît que nous aimons la cerise ainsi… On bien changé la couleur des coquilles d’oeufs pour nous, laissé la tomate sur sa branche… Alors la cerise pensez donc !
Malgré leur couleur, malgré la barquette plastique (la même que celle des tomates dites « cerises »), je me rue sur les cerises. Les premières cerises de la saison. Depuis tout petit, et je sais, c’est un peu gnangnan, je fais chaque année un vœux en même temps que je dévore la première d’entre elles. Je la choisis avec minutie. J’en prends une poignée, et je trie à côté de mon assiette. Choisir dans le plat c’est malpoli. Même si ce plat est une barquette, c’est la règle, on ne choisie pas.
J’ai donc ma poignée, et je prends la plus belle d’entre elle. Dilemme. Quel vœu faire ? A table on me regarde : « Tu n’aimes plus les cerises ? ». Aller expliquer à vos parents, que malgré vingt-cinq ans passés vous faites encore un vœu pour la première cerise de l’année, vous qui ne lisez ni horoscope, ni Bible, ni Coran… Je ne crois pas ces choses, mais j’aime voir une coccinelle se poser sur moi, souffler légèrement dessus pour la faire s’envoler et pouvoir faire un vœu. Petit, dans ce genre de cas, je faisais le vœu que dix autres coccinelles viennent. Dans mes calculs, il me semblait que je pourrais ainsi avoir des réserves de vœux pour le restant de mon enfance. D’ailleurs qui sait, peut-être m’en reste-t-il encore quelques uns de côté que je n’aurai pas encore utilisé ?
« J’aimerai revoir la jeune fille au débardeur jaune ». Première cerise et vœu enflammé. Niveau de croyance en mon « geste » : aucun. Jouer à rêver que la vie peut encore être simple, alors que depuis l’âge de trois ans on y croit déjà plus. Mais ce jeu a un bon goût.
Comme le disait ma prof de Français de l’année dernière, être adulte c’est lorsque l’on a trouvé tous les mécanismes nécessaires pour ne pas sauter par la fenêtre tous les quatre matins. L’adolescent voit que la vie est composée majoritairement d’un grand vide, l’adulte le sait et c’est la grande différence, il a tutoyé ce vide, il a trouvé de quoi s’en rappeler le moins souvent possible, ou détourner au plus vite le cours de ses pensées.
Moi je mange ma première cerise et je fais un vœu. Sans y prendre garde, j’avale le noyau. Premier noyau avalé de l’année. Un vœu ? « Trouver l’amour », je demande, je suis d’humeur Jenyfer semble-t-il. Je retrouve le sourire pour la journée.
Question du jour :
Pourquoi les chats ne portent-ils pas des bottes et ne parlent-ils pas comme chez Charles Perrault ?
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