J’ai atterri ici par hasard. En lieu et place de cette phrase précédente j’ai eu envi d’écrire « parmi vous ». J’ai souvent ce sentiment que je suis quelque part par hasard. Le hasard semble être mon guide, malgré tous mes efforts pour être maître de ma vie (comme on dit dans les bouquins pour se « driver »), entre ce que je fais et ce que je ne fais pas, j’ai souvent du mal à voir la différence. Ce que je fais devient rapidement tel que ce que je n’ai pas fait. Une mémoire. Parfois je doute même avoir fait certaines choses. Non pas que je les renie, mais un autre événement est venu par-dessus, a recouvert le précédent, l’instant d’avant fini par être oublié définitivement, à moins que plus tard un autre événement le rappel à la mémoire…
Si j’écris, je crois, c’est en premier lieu pour faire vivre ce que je n’ai pas fait. Parfois je suis face à deux chemins, j’en prends un et non l’autre… Il paraît que l’on ne peut pas tout avoir à la fois… Depuis que j’ai six ans j’écris… En fait dès qu’on m’a donné l’écriture… Cette arme d’adulte, ce jeu pour grand, un billet d’avion, un voyage en solitaire… En fait j’écris même davantage que je lis. Alors oui, j’écris ma vie avec des « si »… Si j’avais eu autre chose le matin en ouvrant ma fenêtre… Si Nicolas n’avais pas déménagé… Si Lucie n’avait pas rencontré Paul… Si j’avais été quelqu’un d’autre, si j’avais rencontré cette personne à peine croisée dans le TGV… Voilà ce que j’écris… Voilà comment je rêve de temps à autre… D’autre fois aussi j’écris pour faire rire mes amis, en faire sourire une, lui expliquer ce que je n’arrive pas à dire, en inventant une histoire… J’aime bien les histoires, j’adore les albums, en lire est toujours un immense plaisir… Surtout si j’ai un public de bambins suspendu à mes lèvres attendant de savoir si l’ogre va manger le lutin !
Un journal intime, je crois que c’est l’inverse. Il ne s’agit plus pour moi d’écrire ce qui aurait pu être, ni inventer une histoire. Oui, il s’agit d’écrire ce qui a été. Du moins une partie. Saisir le petit instant de bonheur (ou de malheur, ou l’autre qui est cocasse) qui sort de l’ordinaire. Et s’il ne veut pas en sortir, aller l’y dénicher ! En regardant autour de moi, en vivant, il m’arrive parfois d’être agréablement surpris… Comme transcendé… Je ne sais plus qui parlait pour cela de l’instant « œuvre d’art » : lorsque l’on s’arrête, que l’on regarde devant soit, et qu’on se retrouve avec des étoiles qui brillent dans les yeux. Oui, voilà, écrire des instants « œuvres d’arts », sans prétention, sans se prendre pour un artiste… Seulement pour regarder de façon différente ce qui s’offre à moi… L’écriture non comme but, mais comme démarche…
L’art et la manière, tout simplement être à la recherche des deux… Existe-t-il des choses plus intéressantes dans lesquelles se perdre que dans la recherche d’un idéal ? Rechercher pour le plaisir, le bout de la route n’a pas d’intérêt, tout est dans l’art et la manière d’y arriver… Mon histoire, c’est celle du gars qui réussira à s’en convaincre.
12 juin 2003
pour lire les textes antérieurs utiliser la rubrique "mon journal (sommaire)"