T’es là et tu leur répète avant d’éteindre la lumière : « Maintenant il est l’heure de dormir, on se tait, je veux le silence, bonne nuit ». On t'a pas trop appris lorsque tu passais ton BAFA comment il fallait faire... Il arrive que ça fonctionne. Cela arrive. Mais rarement lorsque tu es là pour ta première nuit. Car ces emmerdeurs nés se sont fixé une mission : te tester. Il ne faut pas s’y méprendre, dans le noir, depuis leur lit, c’est un bras de fer qu’ils vont engager avec toi. Alors tu reviens, tu répètes, d’abord calment, qu’il faut dormir, que sinon ça va mal se passer. Mais les sales gosses voient un truc clair comme de l’eau de roche : le noir leur donne une impunité. Du moins le croient-ils. En effet, différencier leur voix est difficile, et il te faudrait menacer tout le groupe de sanction. Or d’un point de vu éthique, il est ennuyeux de sanctionner tous les gosses à cause de trois ou quatre agités. Alors tu commences à hausser la voix, à crier, au risque d’exciter ceux qui étaient sur le point de s’endormir. Tout cela risque de bientôt dégénérer, quelques agneaux en profitent, ils sentent l’adulte déstabilisé et se disent que celui là ils aimeraient bien se le payer. Et puis quelle belle manière de s’intégrer au groupe que de foutre le dawa avec lui ? Tu cries que tu veux dormir, ou que as autre chose à faire, que tu n’as pas que eux à t’occuper etc… Que tu veux être tranquille. Grave erreur, ils commencent à l’emporter, les troupes ennemies sont galvanisées, malgré la fatigue elles sont prêtes à s’enfoncer dans la nuit pour gagner une autre bataille et saper un peu plus ton autorité d’adulte. Alors que peux-tu faire ?
Tout d’abord, il ne faut aucune gentillesse, mais tu dois rester calme, montrer que c’est ton job et que tu vas le faire. Sans colère, sans crier.. Menacer de sanction ça marche, et il sera toujours possible après de revenir dessus en disant qu’après ça a été mieux. Ne pas hésiter à répéter « chut ». En votre présence ils n’osent pas parler. Faire le tour du dortoir calmement. En n’ ayant pas l’air pressé. Dis toi que tu es gardien de nuit, ils doivent sentir que s’il le faut c’est tout la nuit que tu vas leur tourner autour. Ne pas hésiter à leur braquer la lampe torche dans les yeux s’ils ouvrent leur tronche. Rester de marbre. En adulte tout puissant. Il doivent sentir que cette bataille ils l’ont perdu d’avance, car tourner dans le dortoir, c’est ce que tu aimes faire dans ta vie, et qu’aller dormir, ou jouer aux cartes avec les autres adultes, c’est pas ton truc. Il faut qu’il sache qu’il n’y aura qu’un perdant : eux. Il ne faudra pas plus d’une demi heure de ta présence statique (tu peux lire avec une lampe torche durant ce temps, ou bien à la lumière de la borne de sortie de secours) ou mobile dans le dortoir pour leur faire passer l’envie du dawa. Face à des adultes déterminés les enfants ne sont pas des marathoniens. Si un enfant s’obstine seul à foutre le dawa, l’isoler. De préférence debout, dans un endroit incommode ou il aura froid. Après il sera apprécier de pouvoir retourner dans on lit bien chaud et d’y dormir. En outre, ça fait un leader de décrédibilisé, les autres ne vont pas envier sa position de frondeur, ils entreront d’autant plus facilement dans le rang. Ne pas hésiter à en isoler trois. Eventuellement les mains sur la tête, ça fatigue encore plus. Eviter que l’isolement ne dure que quelques minutes : les autres enfants le verront revenir en croyant qu’il vous a fait craquer, ou que tu t’es apitoyé, qu’il a su négocier : il deviendrait alors un héros, un martyr qui a gagné. Or avec toi rien ne ce négocie. Pas de remise de peine. Isolement : dix à quinze minutes minimum, l’enfant doit avoir le tend de te craindre, de craindre que tu le laisse là toute la nuit, même s’il s’excuse : l’excuse, faire semblant de regretter est leur arme favorite, celui qui gagne ainsi recommencera. Tu es patient, tu ne donnes pas l’air de compter ton temps, il va vite se rendre compte que par conséquent dans un affrontement avec toi il sera le seul à perdre du temps et de la tranquillité. Toi tu es zen. Tu es le capitaine. Il ne peut rien t’arriver, eux si. Un adulte en connaît nettement plus que des enfants en capacité de nuisance à autrui, qu’on se le dise. Nous sommes nettement plus raffinés et doués d’expérience.
Mais il existe aussi une autre façon préalable d’avoir la paix dans le dortoir. Le silence et le sommeil d’un grand nombre. Tout ce que je t’ai dis plus haut ne sera alors utilisé qu’ensuite au cas ou cette autre méthode n’aura pas suffit à venir à bout des nains de jardins. En effet, au moment où tu éteints le dortoir, tu peux demander le silence total : sinon tu ne liras pas d’histoire. Si tu prends un livre adapté à l’âge des gosses, tous les enfants adorent qu’on leur lisent (ou racone ou conte) des histoires. Souvent chez eux leurs parents ont perdu le temps de leur en lire, ils ont cru qu’après le CP il ne fallait plus rien leur lire. Or, même des collégiens aiment encore se faire raconter des histoires. Les CD et cassettes d’histoires sont une bonne solution. Tout comme les CD de relaxation (un CD coûte entre 10 et 20 balles et on en trouve partout). Il faut un peu circuler durant le temps ou passe l’histoire ou la musique. Du moins au début. Mais le top est de leur lire un livre : celui qui lit devient le conteur, c’est une personne qui a un statut privilégié, c’est un adulte, il a accès aux écrits, et il est une source de plaisir pour l’enfant qui aura ainsi un contact différent avec toi. Tu deviens une autre personne à leurs yeux, une personne plus attachante. Tu dois d’abord exiger le silence pour commencer. Si un enfant veut poser une question, même si celui-ci est honnête, ne pas lui répondre, dire que lorsque tu lis il ne pose pas de question car la réponse il l’aura en écoutant la suite. Si jamais ce n’était pas le cas, dis-lui de s’en souvenir pour le lendemain pour te la poser (cela a en outre le mérite de l’endormir : essayer de se souvenir d’une question c’est comme compter des moutons). Il ne faut jamais lire moins de quinze minutes, sinon le dawa reviendra. Le livre est aussi une massue : plus tu lis, plus il y en aura qui s’endormiront. Avec une demi heure de lecture, la paix est garantie à presque 100% si tu as bien fait respecter le silence durant ta lecture, en hésitant pas à circuler par exemple. Or obtenir ce silence aura été facile, les gosses font une pression énorme entre eux pour avoir l’histoire et l’entendre. Les petits durs eux même exigeront le silence des derniers résistants. Lorsque tu lis, soit vivant au début, n’hésite pas à parler assez fort (prépare éventuellement ta lecture en ayant déjà lu si ce n’est tout le texte, au moins le début). En avançant dans la lecture, diminue le niveau sonore, l’intensité, le débit. Les enfants vont s’endormir un à un, il ne faut pas les réveiller. Finis ta lecture : par quelque chose du genre : « Voilà… C’est fini… Bonne nuit » murmuré à voix basse. Prend ton temps, comme au théâtre pour la fermeture du rideau. Ecoute le silence trente seconde, et à toi le reste de la nuit !!!
PS : si vous avez d'autres trucs et astuces, n'hésitez pas à les laisser ci-dessous!
à 00:13