Mélodie allait mal. A l’autre bout du fil je ne trouvais pas les mots pour la rassurer quant à notre histoire. Chaque jour je la sentais s’éloigner davantage de moi. Ainsi que malheureuse, regrettant son choix d’être partie, et d’avoir laissé son père derrière elle. Comment la rendre légère alors que j’étais moi-même cloué au sol ? Comment la faire rire lorsque tout, autour de moi, m’apparaissait comme des motifs supplémentaires de pleurer, si ce n’est de se tirer une balle ou, en voiture, rater volontairement un virage… ?
Dans ces douloureux instantes, étrangement, je ne pensais qu’à elle, à sa souffrance. Même si cela n’en diminuait pas ma peine. Il m’est alors peut-être venu l’envie inconsciente de m’effacer. Ou du moins, reconnaissant mes limites, j’ai voulu aidé Mélodie. Sans songer que je pouvais la perdre ? Non. J’y ai songé. Mais j’ai pris le risque.
Rodolphe est un de mes meilleurs amis. Sans doute un des plus attachant, une sorte de remède contre la sinistrose. Je l’ai rencontré autrefois dans cette ville en bord de Loire où j’ai habité, j’aimais son humour, j’appréciais sa compagnie, jamais je ne sortais d’une soirée passée en sa présence sans avoir été regonflé à bloc.
_ Je ne sais pas quoi faire… avait-elle dit.
_ Sors, lui répondis-je avec naïveté.
Elle rigole : « A quoi bon sortir seule ? ». J’avais déjà réfléchi à sa réponse, nous ne passions pas pour la première fois par ce genre banalité et vérité téléphonique.
Nous sommes il y a quelques jours. Il est dix-huit heure. Elle raccroche en me promettant d’appeler Rodolphe. J’envoie un texto à ce dernier l’avertissant de ce que je viens de faire. Il m’a déjà entendu lui parler de Mélodie. Je lui demande s’il est libre de lui faire visiter le centre animé (et jeune !) et les bars de cette belle ville sur la Loire.
Retour à aujourd’hui. Message sur le répondeur : « Rappelle moi rapidement, j’e crois que tu vas m’en vouloir ». Mélodie est tombée amoureuse en deux coups de cuillère à pot. Elle vit une passion, elle voudrait bien trouver les mots pour ne pas me faire souffrir lorsque je l’ai de vive voix.
_ Je ne sais pas quoi te dire, dit-elle.
_ Alors on ne dit rien… Tu es heureuse, je le suis aussi, tout est beau.
Je ne suis absolument pas cynique. Etrangement, j’ai le sentiment d’avoir résolu un de mes problèmes majeur. Un de plus. Je n’en veux pas à Rodolphe, juste de m’avoir caché durant quelques jours leur liaison, de m’avoir fait croire qu’il avait trouvé Mélodie sans grand intérêt… Rodolphe : est-ce une marque d’antibiotique permettant de se libérer de ses soucis ?
Je sais ce qu’on va penser de moi. Je sais ce que Mélodie ne tardera pas à s’imaginer de mes sentiments, et cela l’arrangera. Elle se dirait, si elle lisait ce texte, que je ne l’aimais plus, qu’elle a bien fait. Pire, elle mettrai peut-être en doute mes sentiments depuis le tout début de cette histoire.
En réalité je crois que j'attendais ce dénouement, je le criagnais... Ai-je involontairement produit la chute tout en en calculant le lieu d'impact? Qu’elle soit avec une personne que j’apprécie me rassure. La perdre me semblait être devenu une fatalité, j’attendais sans doute comme on attend la disparition d’une personne atteinte d’une grave maladie…
Ai-je trop souffert de certaines ruptures par le passé pour ne plus être capable de souffrir ? Non, je crois tout simplement que je vais bien en ce moment et que je ne veux pas laisser ce nuage assombrir le ciel. Alors je souffle de toutes mes forces pour le faire disparaître. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».
Voyons, qu'est-ce que j'ai comme bons bouquins à lire?
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à 10:36