Je sais que j’ai déjà trop écrit ici sur mon lave-linge. Mais qui puis-je si cette maudite machine est capable avec moi du pire comme du meilleur ? J’en vois déjà venir quelques uns, me disant « c’est comme une femme, ça a été inventé pour les femmes, comme elles c’est donc capable du pire comme du meilleur ! ». Une telle théorie, pourrait être valable si malheureusement nous n’étions pas tous capables du pire comme du meilleur, hommes, femmes et machine à laver. Jésus Christ l’a dit. Et d’autres l’ont écrit.
Parfois je me sens abandonné. Abandonné de tous ? Un peu oui… Mais plutôt abandonné sur cette Terre, je me demande ce que je fous franchement ici… Réponse : travailler, ranger, lire, écrire, baiser (parfois faire l’amour), laver, acheter… Très répétitif lorsque c’est dit ainsi n’est-ce pas ? Ainsi m’arrive-t-il de voir ma vie. Alors je ne veux, je ne peux plus rien faire. Etrangement, je ne suis plus capable que de lire, écrire. Incapable même de regarder le monde au travers le petit écran. Je débranche le téléphone. Ou j’occupe la ligne en me connectant à internet. Je mets tous en absence. Oui, il y a des fois où rien ne va plus. Comme en ce moment. J’ignore d’où cela est exactement parti. Est-ce la réflexion d’un collègue, notre discussion à Lylle et moi, l’éloignement de Mélodie, les nouveaux amours catastrophiques de Lolita… Toujours est-il que mes larmes, c’est le lave-linge qui les a faites sortir. Je croyais avoir pourtant bien rincer avant mes nouvelles serviettes. Mais non, ça a déteint. Voilà, c’est aussi bête que cela.
Elles étaient jolies mes serviettes de toilette. Blanches, avec un joli petit liseré bleu, un liseré avec des motifs de poisson. Je suis poisson, je ne crois pas à cela, mais c’est stupide oui, je me suis toujours senti poisson. Mieux dans l’eau que sur la terre ferme. La mer me manque.
Ma grand-mère m’avait offert ces deux jolies serviettes. Des serviettes parmi un sac qu’elle m’avait préparé chez elle, que je suis passé cherché à Paris durant le mois d’août. Je me rappelle de cet enfant que j’ai été en les trouvant parmi d’autres choses très jolies, de jolies petites choses, jolies comme celles qu’offrent des grands-mères. Mais j’ai pas fait gaffe, j’ai pas lavé seul, j’ai mal fait trempé sans doute, je ne sais pas, je l’ai mal écoutée lorsqu’elle me disait comment faire… Les poissons bleus ont déteint. Et barbouillé tout le blanc des serviettes de grosses tâches bleues, laides comme les tâches d’encre que faisait mon stylo plume (qui fuyait toujours) sur mes cahier d’élèves… Le souvenir mal digéré, peut-être, d’une rédaction dont j’étais fière, mais qui m’apporta une magnifique bulle pour me remercier d’avoir par erreur (ou faute ?) vidé ma cartouche d’encre bleue sur la copie.
En ouvrant le hublot, j’étais heureux de sortir mes jolies serviettes, j’espérais enfin m’en servir, les ranger dans mon étagère. Mes deux seules serviettes neuves. Je comptais même acheter un porte serviette pour les disposer. Alors, les voyant réduite à cet état lamentable, rien ne pu sortir de ma gorge, rien. Tout ce qui sorti ce fut des larmes.
Oui ce ne sont que des objets. Oui. Mais c’était les miens. C’était un cadeau de ma grand-mère. Avec des poissons. Bleus. J’ai pensé au gosse que j’étais, celui auquel on offrait des cornets de glaces et les fichait toujours par terre à son grand malheur. Pleurait ensuite, refusant qu’on lui propose de remplacer, de réparer sa bêtise, préférant s’accabler, encore et encore. Incapable d’en sortir.
Je ne veux plus sortir. Je ne veux voir personne.
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